Absence de relation commerciale établie entre un agent immobilier et un promoteur immobilier
Les relations commerciales qui dépendent des marchés et d’intervenants extérieurs présentent un caractère aléatoire exclusif de relations commerciales établies.
Dans un arrêt en date du 5 mars 2018, la Cour d’appel de Paris vient rappeler une jurisprudence désormais bien établie en la matière, concernant l’application de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce relatif à la rupture brutale de relations commerciales établies.
Pour mémoire, ce texte impose, en cas de rupture d’une relation commerciale établie, de respecter un préavis écrit tenant compte de l'ancienneté de cette relation.
Aussi, pour caractériser la pratique de rupture brutale, encore faut-il être en présence d’une relation commerciale établie, laquelle doit présenter selon la jurisprudence « un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s’entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial » (CA Paris, 15 décembre 2016, n°14/23754).
En l’espèce, une société exerçant l'activité d'intermédiaire dans le domaine immobilier (ci-après l’ « Agent ») comprenant une assistance commerciale administrative et de gestion ainsi que des opérations de courtage, entretenait une relation commerciale avec un promoteur immobilier (ci-après le « Promoteur »).
L’Agent exposait qu’il collaborait depuis 2009 avec le Promoteur étant devenu son partenaire commercial privilégié auquel elle avait apporté non seulement plusieurs opérations de promotion en Ile de France mais également pour le compte de laquelle elle avait effectué d'autres prestations dépassant le cadre de l’intermédiation immobilière (préparations des dossiers d'appels d'offres, coordination des parties prenantes une fois les projets lancés, rédaction de protocoles d'accord, participation aux réunions d'avancement, etc.).
Compte tenu de la diversité des prestations qu’il soutenait avoir réalisé pour le compte du Promoteur, l’Agent considérait en conséquence que les dispositions de la loi Hoguet dans sa partie relative à l'exigence d'un mandat signé opération par opération, ne lui étaient pas applicables.
Au cours de l’année 2013, les relations entre les parties se sont dégradées, l’Agent réclamant le paiement d'honoraires sur des opérations dont elle estimait être à l'origine et/ou en avoir assuré le suivi.
Contestant la portée et l'existence de certaines prestations alléguées, le Promoteur refusait de faire droit à la demande de paiement de l’Agent.
Dans ce contexte, l’Agent a fait assigner en paiement le Promoteur devant le Tribunal de commerce de Paris, qui a débouté la l’Agent de ses demandes au sujet de divers projets immobiliers et dit n'y a lieu à statuer sur la demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,
L’Agent a fait appel de ce jugement et maintenait, devant la Cour d’appel de Paris, ses demandes au titre du préjudice subi du fait de sa privation de la commercialisation de divers projets immobiliers et au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Sur la première de ces demandes, la Cour d’appel considère que l’Agent est mal fondé en ses demandes de paiement au titre de l'activité « d'entremise », dès lors que :
- la loi du 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce dite loi Hoguet dispose en son article 6 relatif à l'exercice des activités d'entremise que les conventions conclues doivent être rédigées par écrit, même lorsque le contrat est conclu entre professionnels, ce que contestait l’Agent.
Or, la Cour relevait (i) l’absence de convention écrite pour les projets visés par l’Agent. S’agissant d’un des projets pour lequel un contrat écrit avait été conclu, la Cour rejette également la demande de paiement formée par l’Agent au motif qu’aucune durée n'avait été précisée, contrairement à ce qu’exige l'article 7 de la loi Hoguet ;
- l’Agent n’apportait pas la preuve, en l'absence de toute convention écrite, de la réalité des interventions alléguées sur les projets invoqués, ainsi que sur l'accord des parties sur le principe et le montant de sa rémunération.
Sur la demande au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies, l’Agent soutenait avoir entretenu avec le Promoteur des relations commerciales établies depuis 2009.
La Cour relevait toutefois que 6 mandats avaient été conclus entre l’Agent et le Promoteur et « que ces mandats dont l'objet est différencié et non nécessairement exclusif portent sur des missions de recherche ou de vente dans le secteur géographique dans lequel [l’Agent] déploie ses activités et sont dépendant des marchés ou des contrats obtenus par [le Promoteur] auprès notamment des collectivités locales ».
Et la Cour d’appel de Paris de conclure « que ces relations commerciales qui dépendent des marchés et des intervenants extérieurs ne présentent pas de caractère pérenne ; que ce caractère aléatoire est exclusif de relations commerciales établies ».
L’Agent est en conséquence débouté de sa demande fondée sur l'article L.442-6 5° du Code de commerce.
La Cour d’appel de Paris conforte ainsi sa jurisprudence concernant le caractère établi d’une relation commerciale, au sens des dispositions précitées. Dans la même veine, elle avait pu juger dans un arrêt du 18 octobre 2017, qu’une relation commerciale, bien qu'ayant duré plusieurs années, ne revêtait pas le caractère de stabilité exigé par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dès lors que les commandes étaient systématiquement attribuées par un mécanisme d’appel d’offres (Cass. com., 18 oct. 2017, n° 16-15.138).
CA Paris, 5 mars 2018, n° 16/07880
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