Perte de la marque Big Mac : que s’est-il passé?
lundi 28 janvier 2019

Perte de la marque Big Mac : que s’est-il passé?

L’office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) vient d’annuler la marque BIG MAC détenue par Mac Donald’s. Quelles sont les raisons de cette décision ? 

Cette décision, qui a été largement relayée dans la presse, intervient dans le cadre d’un contentieux entre la société Supermac (Holdings) Ltd et Mac Donald’s International Property Company, Ltd. Mac Donald’s s’était opposé à une demande d’enregistrement d’une marque européenne Supermac, demandée par l’exploitant d’une chaine de fast food irlandaise, sur le fondement d’un risque de confusion avec la marque Big Mac. Cette marque avait été déposée par Mac Donald’s le 1er avril 1996. Elle visait les classes 29 (aliments préparés notamment), 30 (sandwich notamment) et 42 (services associés à l’exploitation et au franchisage de restaurants, vente à emporter notamment). Supermac avait alors engagé une procédure d’annulation de la marque Big Mac pour défaut d’exploitation sérieuse de celle-ci par Mac Donald’s. C’est à cette demande que vient de faire droit l’EUIPO. 

L’annulation de cette marque pour défaut d’exploitation peut apparaitre surprenante alors même que le terme Big Mac semble largement utilisé par Mac Donald’s et identifie a priori dans l’esprit des consommateurs un hamburger commercialisé par Mac Donald’s. Comment l’EUIPO justifie-t-elle cette décision, qui peut apparaitre très sévère? 

Pour rappel, en l’absence d’exploitation sérieuse d’une marque par son titulaire pendant une période de cinq ans, pour les produits et services visés par ladite marque, celui-ci peut être déchu de ses droits sur la marque. La protection à titre de marque est en effet liée à une exploitation effective de celle-ci. La déchéance peut être totale ou partielle. Lorsqu’une personne sollicité la déchéance d’une marque pour défaut d’exploitation, il appartient au titulaire de la marque de prouver une exploitation effective de celle-ci. Il serait en effet difficile pour le demandeur de prouver un fait négatif, à savoir que quelque chose ne s’est pas produit. En l’espèce, Supermac ayant sollicité la nullité de la marque, il appartenait donc à Mac Donald’s de prouver l’exploitation effective de la marque Big Mac.  

Il ressort de la décision que Mac Donald’s avait fourni trois types de pièces afin de prouver son exploitation effective: des attestations, émises par des dirigeants de Mac Donald’s concernant les ventes de Big Mac dans plusieurs pays, des exemples d’emballages, de brochures et menus, ainsi que des impressions de pages de sites Internet Mac Donald’s de différents pays, qui présentaient le Big Mac.  

L’EUIPO a considéré que ces éléments étaient insuffisants à démontrer une exploitation effective, dans la mesure d’une part où tous les éléments fournis émanaient uniquement de la partie concernée à savoir Mac Donald’s. Aucun élément de preuve qui aurait émané d’un tiers ne venait corroborer les éléments fournis par Mac Donald’s. Seules des éléments provenant Wikipédia étaient fournis en plus des éléments de Mac Donald’s mais l’EUIPO ne les considère pas fiables dans la mesure où les utilisateurs peuvent modifier le contenu de ces pages. Ils doivent donc eux-mêmes être corroborés par d’autres éléments de preuve. De plus, hormis les attestations, les autres éléments fournis ne donnent aucune indication sur une commercialisation effective et l’étendue de celle-ci: il n’y avait pas de preuves de l’utilisation effective des emballages et brochures ou du nombre qui auraient été utilisés. Pour les sites web, aucune données sur leur fréquentation n’était fournie et les éléments produits ne permettaient pas de conclure si, et comment, le produit pouvait être acheté. Dans l’hypothèse où les sites permettaient la commande, aucune preuve d’une seule commande effective n’était fournie. 

L’EUIPO rappelle alors que l’appréciation des preuves fournies relève de son pouvoir souverain. Il conclut qu’aucun des éléments fournis ne permettait de conclure que les produits sous la marque contestée était offert à la vente ni qu’il y avait eu une quelconque vente de ceux-ci, que ce soit en ligne ou en restaurants et qu’en conséquence, il n’était pas possible de conclure à une exploitation effective de la marque pour la période concernée sans recourir à des présomptions.  

L’EUIPO précise par ailleurs, anticipant sans doute des critiques éventuelles, que la conclusion selon laquelle « un usage effectif de la marque n’a pas été prouvé au cas présent ne résulte pas d’un standard de preuve excessivement élevé, mais du fait que le propriétaire de la marque de l’Union Européenne a choisi de restreindre les éléments de preuve fournis ».  

La motivation de cette décision laisse donc à penser que cette décision pourrait être réformée en cas de recours de Mac Donald’s, ce qu’il est possible de faire dans les deux mois de la décision, et sous réserve de fournir des éléments complémentaires démontrant l’exploitation effective de la marque en question. Il est possible que l’annulation de la marque ne soient finalement pas prononcée, ou le cas échéant qu’elle ne soit que partielle (par exemple au titre des services de restauration, Big Mac n’ayant a priori pas été utilisé à titre d’enseigne de restaurants, mais pas pour les produits eux-mêmes commercialisés sous la marque). Dans l’intervalle, Mac Donald’s n’est toutefois pas privé du droit d’exploiter la marque Big Mac dans la mesure où Mac Donald’s avait en 2017 procédé à un nouveau dépôt de la marque Big Mac, lequel n’était pas concerné par cette procédure. Mac Donald’s est donc toujours bien titulaire d’une marque de l’Union Européenne Big Mac. 

Cette décision vient toutefois illustrer l’importance de l’exploitation effective de la marque et l’importance de pouvoir prouver cette exploitation. La notoriété ne suffit pas. 

EUIPO décision n°14788C du 11 janvier 2019

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