Publicité comparative trompeuse dans le secteur de la grande distribution alimentaire
La publicité comparative portant sur des produits n'étant pas tous identiques et présentant des variations entre eux s'agissant tant de la quantité que de la qualité ou de leur composition, est trompeuse si l'information communiquée par l’enseigne au consommateur ne lui permet pas d'apprécier ces différences et de déterminer son choix en connaissance.
En octobre 2012, une enseigne de la grande distribution alimentaire (ci-après, la « Société A ») a diffusé, dans la presse et sur son site internet une campagne publicitaire comparative sous le slogan « 500 PRODUITS N°1 SUR LES PRIX » portant sur un échantillon comportant des produits de marque nationale (MN), des produits de marque de distributeur (MDD) et des produits premier-prix (PPX) figurant sur une reproduction de la carte de France et accompagné du slogan « LE QUOTIDIEN MOINS CHER, C'EST DANS LES MAGASINS […] ».
A la suite, une enseigne concurrente (ci-après la « Société B ») a mis en demeure la Société A de prouver sous 48 heures l'exactitude matérielle des énonciations contenues dans cette publicité sur le fondement de l'article L. 121-12 du Code de la consommation, devenu l’article L. 122-5 suite à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation.
Selon cet article, « l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité. »
La Société B soutenait que si la Société A lui avait transmis certains éléments, elle avait cependant refusé de lui communiquer les informations relatives à la composition des produits, et estimait en conséquence, qu'en ne mettant pas à la disposition des consommateurs toutes les informations, la Société a avait méconnu les dispositions de l'article précité.
C’est dans ce contexte que la Société B a assigné la Société A en concurrence déloyale fondée sur une publicité comparative illicite et trompeuse.
Reconventionnellement, la Société A a également sollicité la condamnation de la Société B pour concurrence déloyale fondée sur une publicité comportant deux volets, la garantie du prix le plus bas avec une offre de remboursement de deux fois la différence d'une part, et une publicité comparative prétendant que sur 500 produits, ceux de l’enseigne de la Société B sont x% moins chers que ceux des principaux concurrents, dont la Société A.
Par jugement en date du 17 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Créteil a :
- dit la publicité comparative effectuée par la Société A trompeuse au regard des articles L.121-1 (devenu L. 121-2) et L.121-8 (devenu L. 122-1) du Code de la consommation;
- condamné la Société A à payer à la Société B la somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts;
- dit la Société A irrecevable en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts et l'en a déboutée.
Saisie en appel par la Société A, la Cour d’appel de Paris a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.
1. Pour mémoire, l'article L. 121-2 du Code de la consommation énonce les circonstances dans lesquelles une pratique commerciale est trompeuse :
- lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
- lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur :
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
- le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
- lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable.
La publicité comparative est définie par l’article L. 122-1 du Code de commerce, comme la publicité « qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ».
Selon cet article, la publicité comparative doit, pour être licite, remplir les conditions suivantes :
- ne pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
- porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
- comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.
Après avoir rappelé ces dispositions, la Cour d’appel de Paris énonce que la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a dit pour droit qu' « une publicité... peut revêtir un caractère trompeur, notamment : ... s'il est constaté que, aux fins d'une comparaison effectuée sous l'angle exclusif du prix, ont été sélectionnés des produits alimentaires qui présentent pourtant des différences de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur moyen, sans que lesdites différences ressortent de la publicité concernée » (CJUE, 18 nov. 2010, aff. C-159/09, Lidl SNC contre Vierzon Distribution SA)
En l’espèce, la Cour relève que la publicité comparative litigieuse avait pour slogan « 500 produits n°1 sur les prix » et indiquait qu'elle reposait sur une comparaison du prix moyen de 500 produits après relevés effectués dans les magasins sous enseigne concurrente, dont la Société B, et que les 616 produits retenus pour cette comparaison étaient des produits sélectionnés par la Société A, soit de marque nationale (203 produits), soit de marque distributeur (309 produits) soit premiers prix (104 produits).
Les deux tiers des produits n'étaient pas strictement identiques à ceux distribués dans les magasins sous les enseignes concurrentes, et dans lesquels les relevés de prix avaient été effectués, de sorte que, selon la Cour, « il revenait à la [Société A] d'apporter au consommateur moyen toute information sur les différences entre ces produits de nature à conditionner de manière sensible son choix. »
Or, en l'espèce, la Cour constatait que les produits objets de la publicité comparative comportaient des différences pouvant orienter le consommateur, si elles étaient portées à sa connaissance, dans son acte d'achat :
- des différences qualitatives : par exemple la comparaison portait notamment sur une boîte de cassoulet toulousain de 420 gr, mais celui proposé par la Société A contenait des saucisses de Toulouse et de la viande de porc, alors que celui vendu chez la Société B contenait des saucisses de Toulouse et des manchons de canard ;
- des différences quantitatives, : par exemple la boîte de petits pois de 445 gr est comparée avec celle de 720 ml, ou encore la mousse au chocolat panaché de 8x60 gr est comparée avec la mousse chocolat noir ou au lait 960 ml.
Selon la Cour, « même si les produits en cause répondent aux mêmes besoins, la nature des principaux ingrédients d'un plat cuisiné est de nature à déterminer l'acte d'achat d'un consommateur, comme la teneur plus ou moins importante d'un principe actif dans un produit de nettoyage ».
La Cour juge par ailleurs que les différences relatives aux quantités ou aux unités de mesure, peuvent « outre celle[s] relative à la forme de conditionnement des produits, avoir des conséquences sur le prix des produits. »
Ainsi donc, la Cour d’appel de Paris juge que le tribunal de commerce de Créteil a justement apprécié que « les différences ainsi relevées sont de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur entre deux produits, et qu'il doit en être informé lorsque la comparaison est réalisée sur le seul critère du prix, même si les produits présentent entre eux une substituabilité ».
En l’espèce, la Cour juge que les produits n'étant pas tous identiques, et au vu des variations relevées entre eux s'agissant tant de la quantité que de la qualité ou de leur composition, l'information communiquée par les enseignes de la Société A au consommateur ne lui permettait pas d'apprécier ces différences et de déterminer son choix en connaissance, de sorte que la publicité comparative effectuée par la Société A est trompeuse.
2. S’agissant du respect de l'article L.122-5 du Code de la consommation disposant que « l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité », la Cour d’appel confirme également le jugement sur ce point, dans la mesure où la Société A avait transmis à la Société B la liste des magasins à enseigne concurrente ayant fait l'objet des relevés de prix effectués, les justificatifs des relevés de prix réalisés dans les différents magasins, la liste de tous les produits MDD de la Société A avec pour chacun son équivalent sous enseigne de la Société B, la copie de la méthodologie utilisée à laquelle il était fait référence sur le site de la Société A.
En outre, la Société B ne justifiait pas que la seule indication du nom des produits distribués par la Société A ne permettait pas, en l'absence de transmission de leurs codes EAN, de procéder à leur identification, et donc de vérifier l'exactitude des informations contenues dans la publicité.
Ainsi, selon la Cour, les produits objets de la publicité comparative étaient identifiables au vu des documents transmis et de nature à permettre à la Société B de vérifier l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité.
3. A titre reconventionnel, la Société A sollicitait également la condamnation de la Société B pour concurrence déloyale fondée sur une publicité comparative.
La Cour d’appel de Paris, juge irrecevable cette demande sur le fondement de l’article 70 du Code de procédure civile, selon lequel « les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».
Pour juger insuffisant le lien rattachant la demande reconventionnelle aux prétentions originaires de la Société B, la Cour d’appel relève d’abord que les comparaisons de prix effectuées par la Société B portaient uniquement sur des produits strictement identiques, alors que deux tiers des produits comparés dans le cadre de la publicité de la Société A étaient des produits non identiques « mais pouvant être objectivement substitués, ce qui induit la prise en compte des caractères objectifs de substituabilité entre les produits alors que la comparaison de la publicité [de la Société B] ne porte que sur les prix ».
Ensuite, les juges d’appel relèvent que la différence de nature de la plupart des produits concernés par la publicité effectuée par la Société B révélait que cette campagne n'apparaissait pas comme une réponse à la publicité de la Société A, ni ne tendait à dénigrer les produits distribués par les magasins sous cette enseigne.
Enfin, la Cour constate que la partie comparative de la publicité de la Société B ne visait pas directement l’enseigne de la Société A mais les principaux acteurs de la grande distribution et que « le recours par les acteurs de la grande distribution à des publicités comparatives ne peut justifier l'existence d'un lien suffisant entre les demandes initiale et reconventionnelle, sauf à permettre de ce seul fait à la partie défenderesse à une action en concurrence déloyale de contester la publicité de son concurrent ».
CA Paris, 2 oct. 2018, n° 16/00645
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