lundi 3 avril 2017

Baux commerciaux : Révision triennale et déplafonnement

La modification des facteurs locaux de commercialité justifiant un déplafonnement du loyer révisé doit être interprétée strictement.

Les règles régissant la révision légale (périodicité de la révision, règles de calcul du plafond) sont d'ordre public. En revanche, les parties demeurent libres de renoncer à cette révision triennale. 

Le loyer révisé est en principe plafonné (comme le loyer de renouvellement). Toutefois, en cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus 10 % de la valeur locative, le loyer révisé pourra être fixé à sa valeur locative, sans plancher ni plafond (article L.145-38 du code de commerce). 

Rappelons que depuis la loi MURCEF du 11 décembre 2001, le preneur est également tenu de justifier d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité de plus de 10% s’il veut voir fixer son loyer révisé en dessous du loyer en vigueur.

Dans l’affaire commentée, l’expert judiciaire avait constaté des modifications importantes des facteurs locaux de commercialité liées à une augmentation du nombre de croisiéristes de plus de 64% à fort potentiel de consommation, une augmentation de la population de 4%, une augmentation de la fréquentation touristique et l’implantation de nouvelles enseignes notoires et fortement marchandes.

L’expert judiciaire avait conclu à une modification des facteurs locaux de commercialité donnant lieu à déplafonnement du loyer révisé en application de l’article L. 145-38 précité.

La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence ne l’entend pas ainsi : 

Concernant l’évolution de la clientèle, elle considère que ces éléments « relèvent d’une évolution des facteur locaux de commercialité et non d’une modification matérielle de ces facteurs ». S’agissant de l’implantation de nouvelles enseignes, elle note que cela « constitue certes une évolution mais pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ».

Elle rappelle au passage que les conditions visées à l’article L. 145-38 du code de commerce ne doivent pas être confondues avec celles visée à l’article L. 145-33 du même code, relatives à la détermination de la valeur locative :

« la variation de plus de 10% de la valeur locative doit être due à la seule modification des facteurs locaux de commercialité, à l’exclusion des autres éléments déterminant la valeur locative au sens de l’article L. 145-33 du code de commerce. Il en résulte qu’il n’est pas pris en considération les éléments relatifs aux caractéristiques des locaux ou aux obligations des parties et que la modification matérielle doit porter (sur) des éléments concrets et existants et s’entend de la transformation des facteurs locaux de commercialité et non de leur évolution quantitative. »

Ce faisant, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence fait une application stricte de l’article L. 145-38 et de son décret d’application codifié à l’article R145-6 :

« Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire. »

Elle déduit de ces dispositions que la modification visée à l’article L.145-38 s’entend d’une modification matérielle du quartier et non d’une simple évolution de la consommation.

En conclusion, pour invoquer un déplafonnement du loyer révisé, le bailleur ne peut se contenter d’invoquer une évolution de la clientéle. 

Encore faut-il qu’il existe une modification d’ordre matérielle des facteurs locaux de commercialité et que soit établi le lien de causalité entre ladite évolution matérielle et la variation de + de 10% de la valeur locative.

CA Aix-en-Provence, 11e ch., sect. A, 13 déc. 2016, n° 15/16267, SARL N Investissements c/ SARL EAGLE

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