mardi 18 avril 2017

Cautionnement de bail commercial

La nullité du cautionnement disproportionné issue du droit de la consommation peut être opposée au bailleur professionnel de locaux commerciaux.

Il est fréquent qu’un bailleur demande, en plus du versement du dépôt de garantie, une garantie complémentaire, telle une garantie bancaire à première demande ou un cautionnement.

En l’espèce, une SCI a donné à bail commercial des locaux moyennant un loyer de 24 600 euros par an. Le gérant de la société locataire s’est porté caution des engagements de sa société. 

Dès le commencement du bail, la société s’est avérée incapable de payer les loyers, charges et dépôt de garantie. 

Le bailleur a fait signifier à la société preneuse un commandement de payer la somme de 23 108,42 euros visant la clause résolutoire, puis faute de paiement, a appelé le gérant de la société preneuse en garantie.

Le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble a prononcé la résiliation du bail et condamné solidairement le gérant à payer à titre provisoire la somme de 21 648,16 euros au titre du dépôt de garantie, loyers et charges ainsi qu’au paiement d’une indemnité d’occupation trimestrielle correspondant au montant des loyers et charges.

En cause d’appel, le gérant a soulevé la nullité de son engagement de caution au motif que celui-ci serait disproportionné à son patrimoine et ses revenus. 

Ce faisant, le gérant demandait l’application des dispositions de l’ancien article L.341-4 du Code de la consommation (désormais article L.332-1 du même Code).

La Cour d’appel de Grenoble retient que l’article L.341-4 du Code de la consommation ne s’applique « qu’aux cautionnements garantissant des concours financiers » et non s’agissant du cautionnement d’un bail commercial. Elle ne fait donc pas droit à l’argument du garant.

C’était confondre le texte précité avec celui de l’ancien article L. 313-10 du code de la consommation, lequel était en effet réservé aux cautionnements donnés aux établissements de crédits. Au contraire, l’ancien article L. L341-4 du code de la consommation s’applique au créancier professionnel, à savoir celui   " dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale" (Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-15.910 : JurisData n° 2009-049063)

 
L’arrêt d’appel est ainsi censuré par la Cour de Cassation :

« l’interdiction pour un créancier professionnel, de se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion, n’est pas limitée aux cautionnements garantissant les seules opérations de crédit mais s’applique quelle que soit la nature de l’obligation garantie ».

Cette solution est dans la lignée de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation (Cass. com., 22 juin 2010, n°09-67.814).

Cette solution conduit tout de même à s’interroger sur la notion de créancier professionnel : le bailleur est-il nécessairement un créancier professionnel ? En l’espèce, doit-on comprendre qu’un bailleur SCI soit nécessairement considéré comme tel dans la mesure où la créance nait à l’occasion de son activité déclarée au greffe ? 

Cette question n’est pas nouvelle et avait été soulevée notamment suite à un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 12 mars 2013, laquelle avait estimé que la qualité de créancier professionnel de la SCI ne peut se déduire du seul constat que l’objet social de la bailleresse est de louer le bien et que « la créance invoquée est bien née de cette activité » (C. A. Lyon, chambre civile 1 B, 12 mars 2013, n°12-02162, n° Juris-Data 2013-004724). La Cour avait considéré que la preuve de la qualité de créancier professionnel de la SCI n’était pas rapportée. Pour autant elle n’avait pas été jusqu’à ériger les critères d’appréciation qu’elle considérait comme pertinents.

Dans l’affaire commentée, force est de constater que la Haute Cour ne mentionne pas les arguments lui ayant permis de conclure que la SCI est un créancier professionnel. Est-ce à considérer que la seule qualité de SCI bailleresse constitue pour elle un critère suffisant pour retenir la qualité de créancier professionnel ? On peut regretter que la Haute Cour n’ait pas été plus claire pour clore le débat.

Cass. com., 22 février 2017, n°14-17.491

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