Lissage du loyer : Durée contractuelle VS durée supérieure à 12 ans
Si de nombreux membres de la doctrine ont fait part de leurs observations et analyses sur le lissage du loyer, certaines questions n’ont pas encore reçu de réponse.
Quid d’une durée contractuelle de 10 ans face à une durée, par l’effet de la tacite prolongation, supérieure à 12 ans ?
Il convient en premier lieu de rappeler ce qu’est le lissage du loyer.
Ce lissage, encore appelé « plafonnement du déplafonnement », a été instauré par la loi Pinel du 18 juin 2014, qui a ajouté un dernier alinéa à l’article L. 145-34 du code de commerce.
Cet article prévoit dorénavant que :
« A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ».
Si ce dernier alinéa vise maladroitement les termes « loyer acquitté », il faut bien évidemment comprendre « loyer en vigueur ».
Ce lissage du loyer permet ainsi, lorsque le loyer est déplafonné par l’effet d’une clause relative à la durée du bail (bail de 10 ans par exemple), ou d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, de maîtriser les augmentations de loyer, par paliers de 10 % supplémentaires par an.
On sait que la Haute juridiction considère, depuis son avis rendu le 9 mars 2018, que :
« L'étalement de l'augmentation du loyer déplafonné prévu par le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce s'opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l'année précédente.
Il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par ce texte » (Cass. Avis., 9 mars 2018, n° 17-70.040).
C’est dire que le juge des loyers ne peut statuer sur cet échelonnement des loyers.
La Haute juridiction a repris les termes de cet avis dans une décision en date du 25 janvier 2023 (Cass. 3ème civ., 25 janvier 2023, n° 21-21.943).
Pourtant, certaines juridictions fixent de tels échéanciers (CA Paris, Pôle 5 – Chambre 3, 25 janvier 2023, n° 20/17972), d’autres ont pu même « enjoindre aux parties d’établir un échéancier de paiement des loyers en application de la règle du lissage, sans qu’il y ait lieu à fixation d’une astreinte » (CA Versailles, 12e chambre, 7 juillet 2022, n° 20/04270).
De telles décisions ne résisteraient pas devant la Haute juridiction.
Par ailleurs, on sait que le lissage n'est pas autorisé lorsque le déplafonnement résulte d'une tacite prolongation du bail ayant abouti à un contrat d'une durée excédant 12 ans » (TJ Paris, Bx com, 5 mai 2017, n° 14/10431 ; CA Paris, Pôle 5, chambre 3, 5 septembre 2018, n° 16/23432).
Mais qu’en est-il lorsque, par l'effet de la tacite prolongation, un bail dont la durée contractuelle est supérieure à 9 ans, a eu une durée effective supérieure à 12 ans ?
Dans les deux cas il y a indéniablement fixation à la valeur locative.
• Mais y a-t-il lissage du loyer compte tenu de la durée contractuelle du bail ?
• Ou y a-t-il absence de lissage compte tenu de la durée effective du bail compte tenu de la tacite prorogation ?
Saisi d’une telle question, le juge des loyers devrait, à tout le moins, désigner un expert pour qu’il donne son avis sur la valeur locative, puisqu’il y aurait dans les deux cas, fixation à la valeur locative, ce dernier n’étant pas compétent pour se prononcer sur le lissage du loyer.
La question du lissage ne serait donc pas tranchée.
Une décision rendue le 10 juillet 2024 par la juridiction parisienne semble orienter le débat.
Quelle juridiction serait par la suite compétente pour trancher cette question ?
Le tribunal ou le juge de l’exécution ?
Un médiateur ne pourrait-il pas être désigné ?
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