mercredi 6 mars 2024
« Il est établi que, lors de son entretien sur la chaîne de télévision de grande écoute France 5, le 13 septembre 2023, le dirigeant du groupe CARREFOUR, M. X Y s’est exprimé comme suit : « La shrinkflation à la fois vous réduisez la taille et vous augmentez le prix. Quelques exemples: nos amis de PESICOLA (sic) ils ont des chips qui s’appellent Lays ils ont les baissé de 15 g et ils ont augmenté de 30% le chiffre. » puis « Dès lundi je vais dans tous les magasins, je demandé à ce (sic) dans tous les magasins il y a une étiquette sur les produits sur lesquels on a de la shrinkflation en disant ce produit a vu son contenant baisser et son prix augmenter » »
Cette stratégie avait alors été formalisée sous la forme d’affichettes apposées sur les linéaires présentant des produits de PEPSICO qui indiquaient : « Ce produit a vu son contenant baisser et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter. Nous nous engageons à renégocier ce tarif. ».
PEPSICO contestant cette communication ayant, selon elle, engendrait une forte baisse de ses ventes, sollicita alors du Juge des référés, de faire cesser cette campagne caractérisant un trouble manifestement illicite.
Début 2024, alors que le Tribunal de commerce d’Evry s’était déclaré incompétent au profit de Paris, en tant que Juridiction spécialisée, CARREFOUR avait fait poser de nouvelles affichettes, qui énonçaient alors : « Nous ne vendons plus cette marque pour cause de hausse de prix inacceptable.».
Pour considérer cette communication comme trompeuse en l’endroit du consommateur d’attention moyenne, le Juge des référés va d’abord relever son absence de quantification précise, pour informer loyalement les clients : « Nous constatons que ce discours n’est pas quantifié, qu’il revêt un caractère vague et subjectif; en effet, CARREFOUR n’indique pas l’ordre de grandeur de l’augmentation réelle ou supposée du prix au kilo ou au litre; CARREFOUR affirme qu’il y a dégradation du rapport "quantité-prix", sans le démontrer; elle ne dit pas qui a, ou aurait réalisé les analyses d’écart, ni comment; elle fournit donc des informations invérifiables ».
Le Juge des référés va ensuite relever que CARREFOUR faisait référence au tarif négocié, en le comparant avec le prix proposé aux consommateurs : « Nous relevons par ailleurs que CARREFOUR mentionne le « tarif » (élément de la relation commerciale entre elle et son fournisseur, et qui n’est pas connu du consommateur) alors que le consommateur est concerné par le prix de vente final; il s’ensuit que CARREFOUR affirme avec une position d’autorité, sans permettre à PEPSICO de faire valoir des arguments en réponse ».
Il convient de noter à ce titre, que le projet d’arrêté notifié en novembre 2023 par le Gouvernement à la Commission européenne pour enrayer cette stratégie commerciale, et qui pourrait entrer en vigueur en mars 2024, prévoit que l’information soit fournie au consommateur comme suit : « Pour ce produit, la quantité vendue est passée de X à Y et son prix au (préciser l'unité de mesure concernée) a augmenté de ... % ou ... € ».
Le Juge des référés voit enfin en cette communication, une possibilité pour Carrefour de mettre en avant ses produits sous marque distributeur « MDD », alors qu’il s’interroge sur le timing de cette initiative:
« Nous notons aussi que CARREFOUR commercialise à sa marque (en MDD selon la terminologie de la profession) des produits directement concurrents de ceux de PEPSICO, par exemple une boisson « thé glacé », ou des chips ; que la campagne concernant les produits de PEPSICO n’est pas neutre quant aux intérêts de CARREFOUR, mais peut lui bénéficier en termes de report de clientèle », survient en septembre 2023 sur des produits que ses équipes ont référencés et commercialisés tant dans les magasins physiques, que sur internet, depuis le début de l’année 2023 »
Ce manque de précision quant aux baisses relevées, quant aux prix comparés, dans ce contexte concurrentiel entre produits MDD et ceux des fournisseurs, conduit le Juge des référés que ce message « est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. » et qu’elle est constitutive d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
Cette analyse aurait certainement été différente si CARREFOUR avait bâti sa communication à l’aune des critères fixés dans le projet d’arrêté notifié par le Gouvernement, qui contraint justement les distributeurs à lutter contre cette pratique de « shrinkflation » sous peine d’amendes administratives.
Cette décision témoigne cependant, dans un contexte inflationniste tendu, de la nécessité pour les distributeurs, de maitriser leur communication.
Guillaume Gouachon
Avocat associé
Shrinkflation, Pepsico fait condamner Carrefour pour sa communication jugée trompeuse.
La bataille menée par certains fournisseurs et distributeurs quant à l’usage de la technique de Shrinkflation, vient de connaitre un nouvel épisode, riche d’enseignement quant aux informations requises pour ces derniers pour communiquer sur cette pratique vis-à-vis de leurs consommateurs.
Carrefour, à l’instar d’autres distributeurs, courroucée par cette hausse des prix, concomitante à une réduction des quantités, dans un contexte de négociation toujours plus tendu, avait choisi de mettre en place une stratégie de communication dans l’ensemble de ses points de ventes, exprimée par son dirigeant dans la presse par son dirigeant, comme le relève la juridiction :« Il est établi que, lors de son entretien sur la chaîne de télévision de grande écoute France 5, le 13 septembre 2023, le dirigeant du groupe CARREFOUR, M. X Y s’est exprimé comme suit : « La shrinkflation à la fois vous réduisez la taille et vous augmentez le prix. Quelques exemples: nos amis de PESICOLA (sic) ils ont des chips qui s’appellent Lays ils ont les baissé de 15 g et ils ont augmenté de 30% le chiffre. » puis « Dès lundi je vais dans tous les magasins, je demandé à ce (sic) dans tous les magasins il y a une étiquette sur les produits sur lesquels on a de la shrinkflation en disant ce produit a vu son contenant baisser et son prix augmenter » »
Cette stratégie avait alors été formalisée sous la forme d’affichettes apposées sur les linéaires présentant des produits de PEPSICO qui indiquaient : « Ce produit a vu son contenant baisser et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter. Nous nous engageons à renégocier ce tarif. ».
PEPSICO contestant cette communication ayant, selon elle, engendrait une forte baisse de ses ventes, sollicita alors du Juge des référés, de faire cesser cette campagne caractérisant un trouble manifestement illicite.
Début 2024, alors que le Tribunal de commerce d’Evry s’était déclaré incompétent au profit de Paris, en tant que Juridiction spécialisée, CARREFOUR avait fait poser de nouvelles affichettes, qui énonçaient alors : « Nous ne vendons plus cette marque pour cause de hausse de prix inacceptable.».
Pour considérer cette communication comme trompeuse en l’endroit du consommateur d’attention moyenne, le Juge des référés va d’abord relever son absence de quantification précise, pour informer loyalement les clients : « Nous constatons que ce discours n’est pas quantifié, qu’il revêt un caractère vague et subjectif; en effet, CARREFOUR n’indique pas l’ordre de grandeur de l’augmentation réelle ou supposée du prix au kilo ou au litre; CARREFOUR affirme qu’il y a dégradation du rapport "quantité-prix", sans le démontrer; elle ne dit pas qui a, ou aurait réalisé les analyses d’écart, ni comment; elle fournit donc des informations invérifiables ».
Le Juge des référés va ensuite relever que CARREFOUR faisait référence au tarif négocié, en le comparant avec le prix proposé aux consommateurs : « Nous relevons par ailleurs que CARREFOUR mentionne le « tarif » (élément de la relation commerciale entre elle et son fournisseur, et qui n’est pas connu du consommateur) alors que le consommateur est concerné par le prix de vente final; il s’ensuit que CARREFOUR affirme avec une position d’autorité, sans permettre à PEPSICO de faire valoir des arguments en réponse ».
Il convient de noter à ce titre, que le projet d’arrêté notifié en novembre 2023 par le Gouvernement à la Commission européenne pour enrayer cette stratégie commerciale, et qui pourrait entrer en vigueur en mars 2024, prévoit que l’information soit fournie au consommateur comme suit : « Pour ce produit, la quantité vendue est passée de X à Y et son prix au (préciser l'unité de mesure concernée) a augmenté de ... % ou ... € ».
Le Juge des référés voit enfin en cette communication, une possibilité pour Carrefour de mettre en avant ses produits sous marque distributeur « MDD », alors qu’il s’interroge sur le timing de cette initiative:
« Nous notons aussi que CARREFOUR commercialise à sa marque (en MDD selon la terminologie de la profession) des produits directement concurrents de ceux de PEPSICO, par exemple une boisson « thé glacé », ou des chips ; que la campagne concernant les produits de PEPSICO n’est pas neutre quant aux intérêts de CARREFOUR, mais peut lui bénéficier en termes de report de clientèle », survient en septembre 2023 sur des produits que ses équipes ont référencés et commercialisés tant dans les magasins physiques, que sur internet, depuis le début de l’année 2023 »
Ce manque de précision quant aux baisses relevées, quant aux prix comparés, dans ce contexte concurrentiel entre produits MDD et ceux des fournisseurs, conduit le Juge des référés que ce message « est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. » et qu’elle est constitutive d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
Cette analyse aurait certainement été différente si CARREFOUR avait bâti sa communication à l’aune des critères fixés dans le projet d’arrêté notifié par le Gouvernement, qui contraint justement les distributeurs à lutter contre cette pratique de « shrinkflation » sous peine d’amendes administratives.
Cette décision témoigne cependant, dans un contexte inflationniste tendu, de la nécessité pour les distributeurs, de maitriser leur communication.
Guillaume Gouachon
Avocat associé
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