Une coopérative peut modifier les zones d’exclusivité de ses adhérents
jeudi 5 septembre 2024

Une coopérative peut modifier les zones d’exclusivité de ses adhérents

Cela implique toutefois que le règlement intérieur le prévoit 

Dans une coopérative, un adhérent se voit proposer d’ouvrir un nouveau magasin, à proximité du sien. Il refuse de procéder à cette ouverture. La coopérative décide de poursuivre le projet avec un autre adhérent. Finalement non réalisé, ce projet est réactivé deux ans plus tard. L’adhérent à qui ce projet avait été initialement proposé a introduit une action contre la coopérative au motif que cette ouverture aurait violé les statuts et le règlement intérieur ainsi qu’une action en concurrence déloyale contre l’adhérent exploitant le nouveau point de vente. 

Ce qui est intéressant dans cette affaire est que les statuts et le règlement intérieur de la coopérative prévoyaient la possibilité pour la coopérative de modifier les zones d’exclusivité accordées aux adhérents. Le règlement intérieur prévoyait la possibilité de modifier les zones d’exclusivité « selon l’évolution du bassin de consommation ou des unités de consommation de la zone considérée, ou encore selon la définition de nouveaux concepts de magasins susceptibles d’exister dans le réseau, ou selon la stratégie réseau décidée par le Conseil d’administration, le tout sous réserve d’en informer le sociétaire dont la zone est modifiée avec un préavis d’au moins six mois ».  

La cour d’appel relève tout d’abord qu’il n’est pas douteux que l’ouverture du nouveau point de vente était de nature à impacter l’activité de l’adhérent. Elle relève toutefois que cela s’est inscrit dans une stratégie de développement de l’enseigne, avec des mesures de compensation dont l’adhérent pouvait bénéficier. L’analyse d’impact présentée par l’adhérent était lacunaire et ne permettait pas de démontrer que la coopérative aurait « fait prévaloir l’intérêt du réseau au détriment de la pérennité de son magasin et que les mesures de compensation prévues dans le plan de développement étaient sans proportion à l’impact réel de la nouvelle implantation (…)». Elle relève qu’il n’est finalement pas démontré que cette ouverture ait été mise en œuvre dans des conditions contraires aux obligations contractuelles telles que prévues au règlementaire intérieur. Cela d’autant plus que l’on comprend que c’est la zone d’exclusivité du nouveau magasin qui avait été redéfinie, et non pas celle de l’adhérent existant. Elle relève enfin qu’il n’y avait pas de prospection active du nouveau magasin sur la zone de l’adhérent voisin, et qu’il n’avait commis aucune faute constitutive d’actes de concurrence déloyale.  

Est-ce à dire qu’une tête de réseau peut modifier les zones d’exclusivité de ses adhérents comme elle l’entend ? Certainement pas. En premier lieu il sera relevé que cette faculté était spécifiquement prévue par le règlement intérieur de la coopérative. En l’absence de toute clause, une telle modification n’aurait pas été possible. Ensuite la cour d’appel a examiné avec attention les conditions de mise en œuvre de cette faculté pour s’assurer qu’elle était conforme aux stipulations du règlement intérieur. 

Ensuite cette question n’avait pas été abordée sous l’angle du déséquilibre significatif. Dans le passé la cour de cassation avait pu écarter l’application du déséquilibre significatif prévu par le Code de commerce pour les sociétés coopératives justement (cf Cass. com., 18 oct. 2017, n° 16-18.864. - V. aussi Cass. com., 16 mai 2018, n° 17-14.236). Toutefois se pose la question d’une éventuelle application de l’article 1171 du Code civil relatif aux contrats d’adhésion aux sociétés, à la suite d’un arrêt de 2022 (Cass. com., 26 janv. 2022, n° 20-16.782 : JurisData n° 2022-001009) et cela même si cet article n’avait a priori pas été conçu pour s’appliquer aux sociétés lors de la réforme du droit des obligations. 

Une telle stipulation nous semble toutefois impossible dans un contrat de distribution car constitutive dans ce cas d’un déséquilibre significatif en conférant un pouvoir unilatéral à l’un des cocontractants.

Cour d'Appel de Paris, 31 janv. 2024, n°22/05723.  

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