samedi 11 mai 2024

Services de dynamisation des ventes et pratiques restrictives de concurrence

Le tribunal de commerce de Paris analyse et valide la pratique de GALEC visant à contractualiser, en cours d’année, des services de dynamisation des ventes non inclus dans la convention annuelle, sur le fondement des anciens articles L.442-6, I, 1° et L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. 

Le tribunal de commerce de Paris analyse et valide la pratique de GALEC visant à contractualiser, en cours d’année, des services de dynamisation des ventes non inclus dans la convention annuelle, sur le fondement des anciens articles L.442-6, I, 1° et L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.    

Par un jugement du 26 juin 2024, le tribunal de commerce de Paris s’est prononcé sur la pratique consistant à contractualiser, en cours d’année, des services de dynamisation des ventes non inclus dans la convention annuelle, au regard des articles L. 442-6, I, 1° et L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.  

Dans le cadre d’une enquête menée par la DGCCRF en 2018, il a été constaté que la société coopérative Groupement d'Achat des Centres E. Leclerc (GALEC) avait contacté 16 fournisseurs pour leur reprocher les performances de certaines de leurs références afin de négocier, en cours d’année et sous peine de déréférencement, un service de dynamisation des ventes moyennant une rémunération supplémentaire. 

A la suite de cette enquête, le Ministre de l'Économie a assigné GALEC sur le fondement des articles L. 442-6, I, 1° et L. 442-6, I, 2° du Code de commerce affirmant que GALEC a soumis ses fournisseurs à des obligations créant un déséquilibre significatif et a obtenu des avantages sans contrepartie.  

En l’occurrence, GALEC est accusée d'avoir imposé des remises et ristournes par avenants à ses fournisseurs sans contrepartie ou créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties : 

Demandes de remises ou de ristournes sans contrepartie : GALEC aurait sollicité des remises ou des ristournes de manière uniforme auprès de ses fournisseurs, souvent sous la menace de mesures de rétorsion (menaces de déréférencement, des baisses de commandes, ou des interdictions d'accès de la force de vente aux magasins), sans offrir de contrepartie réelle ; 

Avantages rétroactifs : Certains avenants auraient été signés rétroactivement, permettant à GALEC de bénéficier de remises et de ristournes malgré l'interdiction posée par l'ancien article L. 442-6, II, a) du code de commerce applicable en l’espèce. 

GALEC conteste les accusations, arguant notamment que les négociations avec les fournisseurs étaient réelles et effectives, et que les remises et ristournes étaient justifiées par des services de dynamisation des ventes. 

Dans un premier temps, le tribunal valide la possibilité de contractualiser en cours d’année des services de dynamisation des ventes non inclus dans la convention annuelle.  

Vis-à-vis de l’avantage sans contrepartie, le tribunal relève que « le contrat de référencement ne règle pas les relations avec les coopérateurs en aval du GALEC, qui peuvent négocier des conditions particulières qui leur sont spécifiques. Surtout, il ne peut régler tous les événements ou situations qui peuvent survenir en cours d’année. En particulier, si le référencement permet une « exposition » des produits vendus par le fournisseur, il ne permet pas, sauf clause particulière en ce sens, une dynamisation rendue nécessaire ou souhaitable pour diverses raisons (perte d’attractivité, prix trop élevé …). Les engagements de dynamisation des ventes de certains produits ne sont donc pas inclus dans le contrat-cadre de référencement par le GALEC et l’existence de ces contrats distincts ne prouve pas en soi l’absence de contrepartie ». 

Vis-à-vis du déséquilibre significatif, le tribunal considère que le service proposé par GALEC « a pour objectif de stimuler les ventes en mettant l’accent sur tel ou tel produit en perte d’attractivité sur une période donnée (…) ce service imprévu au moment de la signature des conventions annuelles peut être nécessaire en cours d’année dans le cadre d’avenants au contrat-cadre. », 

La pratique étant validée dans son principe, le tribunal a ensuite rappelé les conditions d’application du déséquilibre significatif et a procédé à une analyse détaillée des relations entre GALEC et ses fournisseurs pour en conclure que, dans la majorité des cas, les négociations étaient réelles et les contreparties corrélées et effectives. 

Pour rappel, l’article L. 442-1-1-2° exige la réunion de deux éléments :  

une soumission ou une tentative de soumission à des obligations ; 

obligations dont il résulterait un « déséquilibre significatif » dans les droits et obligations des parties. 

Ainsi, dans certains cas, le tribunal a considéré que des négociations réelles et effectives avaient bien eu lieu dès lors que le fournisseur avait refusé certaines propositions de GALEC et conclu à des conditions différentes (la première condition n’était donc pas constituée). 

Dans d’autres cas, le tribunal a relevé que les fournisseurs ont dû faire face à des interdictions d'accès des forces de vente ou menaces de déférencement lors des négociations de sorte que la tentative de soumission était constituée. Néanmoins, soit le tribunal a retenu, que le ministre n'avait pas prouvé l'absence de contrepartie corrélée ou de manquements dans la mise en œuvre des CPV litigieuse, soit l’absence de CPV 2017 dans le dossier de l’administration empêchait de prouver l'existence d'une remise ou d'une ristourne accordée par le fournisseur (et donc l’existence d’une obligation) de sorte qu’aucun déséquilibre significatif ne pouvait être caractérisé. 

Cette décision semble ainsi valider la pratique – contestable – consistant pour un distributeur à imposer, à son initiative, en cours d’année, à son fournisseur de souscrire à un service, reposant certes sur des droits et obligations équilibrés, mais qui ne l’intéresse pas ou dont il estime ne pas avoir besoin, par la contrainte grâce à la mise en place diverses mesures de soumission. 

La simple tentative de soumission n’étant pas en elle-même sanctionné par la loi, avantage à la grande distribution. 

(Tribunal de commerce de Paris, 26 juin 2024, n°2023001302)

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