vendredi 5 juillet 2024

Résiliation du contrat et trouble manifestement illicite

La résiliation unilatérale du contrat d'affiliation qui a été opérée par l’affilié ne constitue pas un trouble manifestement illicite, s’il ne ressort pas avec l'évidence requise en référé que la résiliation est manifestement intervenue en dehors des clauses contractuelles. 

Un affilié du réseau CASINO avait mis en demeure la tête de réseau de cesser la pratique du « ciseau tarifaire » qu’il avait pu constater à son détriment, sous peine de résiliation du contrat d'affiliation. 

Par « ciseau tarifaire » on entend la situation dans laquelle une entreprise facture à ses distributeurs des tarifs de vente intermédiaires plus élevés que les prix de détail qu’elle pratique à l’égard des consommateurs, ce qui met les distributeurs dans l’impossibilité de dégager des bénéfices dans la mesure où ils doivent supporter par ailleurs des frais de commercialisation. 

En l’absence de cessation d’une telle pratique, l’affilié a résilié le contrat d’affiliation aux torts de CASINO. 

Cette dernière a donc saisi le juge des référés pour obtenir la reprise des relations contractuelles.  

En première instance, le Tribunal de commerce de Lyon a jugé abusive la résiliation et ordonné la reprise des relations commerciales jusqu’à ce qu’une décision au fond ayant autorité de la chose jugée intervienne sous astreinte de 1.000 € par jour. 

L’affilié a donc interjeté appel de l’ordonnance de référé, devant la Cour d’appel de Paris, exclusivement compétente en appel en matière de pratiques restrictives de la concurrence. 

- L’affilié demandait en premier lieu l’annulation de l’ordonnance pour excès de pouvoir. En effet, le juge des référés n’avait pas selon lui le pouvoir juridictionnel pour interpréter les clauses d'un contrat et son exécution pour juger abusive la résiliation prononcée. La Cour d’appel rejette cette demande en considérant que l’ordonnance a été rendue par le juge compétent après une analyse des moyens de droit et de fait qui étaient soumis par la demanderesse, cette analyse l'ayant conduit à faire droit à la demande. Ce rejet est à notre sens contestable car le juge des référés n’a pas en principe le pouvoir juridictionnel d’interpréter les clauses d’un contrat, et son exécution, pour juger abusive une résiliation qui a déjà été opérée ; 

 - Concernant la reprise des relations, la Cour rappelle que l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation procédant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation de la règle de droit. Pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date où le juge statue et avec l'évidence qui s'impose en référé, la méconnaissance d'un droit sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines.  

 

En l’espèce, la Cour considère que le trouble manifestement illicite ne peut être constitué que dans l'hypothèse où la résiliation est manifestement illicite. Or, au vu des circonstances de l'espèce, il ne ressort pas avec l'évidence requise en référé que la résiliation est manifestement intervenue en dehors des clauses contractuelles. La clause résolutoire a été formellement respectée par l’affilié par l'envoi préalable à la résiliation d'une mise en demeure, peu importe dans ces conditions que CASINO lui ait répondu par une proposition de rencontre rapide. 

 

Si la société CASINO conteste l'analyse faite de la pratique du ciseau tarifaire dans sa lettre répondant à la mise en demeure délivrée, considérant que ce grief n'est pas fondé, il reste que les éléments produits, notamment les constats d'huissier, sont de nature à fonder la résiliation au vu de cette pratique prohibée, et il appartient au juge des référés de trancher selon l'évidence. 

 

La Cour relève enfin que CASINO ne produit aucun élément contraire, se contentant de contester le grief. 

 

Dans ces conditions, la Cour d’appel considère que la résiliation unilatérale du contrat d'affiliation qui a été opérée par l’affilié ne constitue une violation manifeste de la règle de droit et, par suite, un trouble manifestement illicite. 

CA Paris, 12 octobre 2023, n° 23/06230

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