Non-respect de la procédure contractuelle de restitution des lieux et restitution du dépôt de garantie
La réalisation d’un état des lieux de sortie par Commissaire de justice ne saurait dispenser le bailleur de respecter la procédure contractuelle de « restitution des locaux ». Par un arrêt récent du 8 février 2024, la Cour d’appel de Versailles a considéré qu’en cas de non-respect des stipulations contractuelles la restitution de l’intégralité du dépôt de garantie s’impose.
Un bailleur et un preneur concluent un bail portant sur des locaux commerciaux.
Classiquement, le contrat de bail commercial met à la charge du preneur le versement d’un dépôt de garantie.
Aux termes de la clause « travaux, entretien, réparations » du bail, le preneur s’oblige à maintenir en bon état les locaux et à informer immédiatement le bailleur de tous sinistres ou dégradations :
« Le Preneur s’engage à :
- Maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement, de sécurité et de propreté l'ensemble des locaux loués, les vitres, les accessoires, l'équipement et la devanture, repeindre ceux-ci aussi souvent qu'il sera nécessaire et remplacer, s'il y a lieu, ce qui ne pourrait être réparé.
- Tenir les lieux loués pendant toute la durée du bail en bon état et effectuer toutes les réparations sans distinction grosses ou menues, y compris les réparations prévues par les articles 605 et 605 du Code civil qui seront exécutées par le Bailleur aux frais du Preneur.
(…)
Le Preneur informera immédiatement le Bailleur ou son représentant de toute réparation qui deviendrait nécessaire en cours de bail comme de tout sinistre ou dégradation …».
Le bail met également en place une procédure de restitution des lieux loués aux termes de laquelle l’architecte de l’immeuble doit intervenir :
« Le Preneur (…) devra également, rendre en bon état les lieux loués et acquitter le montant des réparations qui pourraient être dues par lui dans les lieux loués tels qu'ils résulteront des travaux d'aménagement et de finitions mis à la charge du Preneur par la présente convention.
A cet effet, en cas de remise volontaire ou forcée des lieux au Bailleur, l'architecte de l'immeuble à qui les deux parties donnent mandat d'intérêt commun, irrévocable à ce titre, dressera un état des lieux comportant un descriptif et estimatif des réparations à effectuer et pouvant incomber au Preneur.
Cet état des lieux se fera en présence du Preneur dûment convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception postée au moins 8 jours à l'avance. En cas d'absence du Preneur, l'état des lieux réputé contradictoire à son égard, lui sera opposable, sans la moindre réserve.
L'architecte mandataire, après vérification des factures des entreprises, déterminera le montant définitif des réparations pouvant incomber au Preneur, et notifiera ce montant à chacune des parties par lettre recommandée avec accusé de réception »
Lors de la prise de possession des locaux les Parties ne dressent pas d’état des lieux d’entrée.
Le bail commercial d’une durée de 9 ans est renouvelé une fois puis se prolonge tacitement.
Le preneur donne congé au bailleur et un état des lieux de sortie est réalisé par un Commissaire de justice en présence des deux parties.
Après avoir quitté les locaux, le preneur sollicite en vain la restitution du dépôt de garantie auprès du bailleur qui reste taisant.
Dans ces conditions, le preneur assigne le bailleur en référé aux fins d’obtenir la restitution du dépôt de garantie. Le bailleur qui n’est pas représenté devant le Juge des référés est condamné.
Il interjette appel.
Pour obtenir l’infirmation de l’ordonnance de référé, le bailleur :
Se réfère au procès-verbal du Commissaire de Justice qui démontrerait, selon lui, le mauvais état de restitution des locaux,
Soulève des manquements contractuels du preneur consistant, notamment, à ne pas l’avoir informé des dégradations affectant les lieux,
Soutient qu’il n’est pas nécessaire d’établir un état des lieux d’entrée dès lors que les locaux étaient en bon état lors de la prise de possession et se prévaut de la présomption de bon état de l’article 1731 du Code civil : « S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire. »
La Cour rejette ces différents arguments :
Elle rappelle que la présomption de l’article 1731 du Code civil ne s’applique pas aux baux commerciaux.
A ce titre, il est rappelé que l’article L.145-5 du Code de commerce impose aux parties au bail commercial d’établir un état des lieux, à l’entrée, et à la sortie des locaux.
Au visa de l’article 1134 du Civil, sur la force obligatoire du contrat, elle rappelle les différentes stipulations contractuelles et, en particulier, celles organisant la restitution des lieux loués.
La Cour constate ensuite que la procédure, contractuelle, de restitution des lieux n’a pas été respectée et qu’en l’absence d’état des lieux d’entrée le procès-verbal d’état des lieux de sortie est « insuffisamment probant aux termes des stipulations contractuelles pour permettre d’imputer des fautes » au preneur.
Dans ces conditions, la Cour confirme la décision de première instance.
Cette décision doit, à notre sens, être approuvée. En imposant le respect des stipulations contractuelles, elle contribue à la sécurité juridique. Il importe ainsi d’être très vigilent lors de la rédaction du contrat de bail commercial et au stade de la restitution des lieux loués.
Cour d'appel, Versailles, 1re et 5e chambre civiles réunies, 8 Février 2024 – n° 22/02528
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