La Cour de cassation confirme l’application de l'article L 341- 2 du Ccom aux activités de services
mardi 29 octobre 2024

La Cour de cassation confirme l’application de l'article L 341- 2 du Ccom aux activités de services

La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et décide d’appliquer les critères de validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles, posés par l'article L 341- 2 du code de commerce, aux activités de services.  

L’application de l'article L 341- 2 du code de commerce aux activités de services est validée par la Cour de cassation : voilà la teneur du revirement de jurisprudence opérée par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 juin 2024… et qui ne manque pas de faire couler de l’encre. 

Pour mémoire, en droit français , il est de jurisprudence constante que pour être valables, les clauses de non-concurrence post-contractuelles ne doivent pas apporter une « restriction excessive à la liberté d’exercice de la profession de son débiteur », et « doivent cependant rester proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent », c’est-à-dire, être limitée quant à l’activité, quant au temps et quant à l’espace.  

 

Avec la loi Macron du 6 août 2015, les nouveaux articles L341-1 et -2 du code de commerce sont venus redéfinir les conditions de validité de la clause ayant pour effet de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant d’un magasin de commerce de détail post contractuelle, laquelle doit répondre à 4 conditions strictes : 

viser strictement « les biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat »,  

être « limitée aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat »,  

être « indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat » et  

ne pas excéder une durée d’un an après le terme du contrat. 

 

Ces textes visent strictement les exploitants de « magasins de commerce de détail ». Et si les mots ont un sens, un commerce de détail n’est pas une activité de services. D’ailleurs, les définitions que l’on peut retrouver dans les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence, dans la Nomenclature d’Activités Françaises, ou qui ont été données par l’Insee ou l’administration fiscale, excluent que la notion de « commerce de détail » puisse viser les activités de services, et a fortiori les services intellectuels. 

 

Alors que cette solution était unanimement retenue par les juridictions, la Cour d’appel de Paris, dans sa décision Century 21 du 17 janvier 2024, a décidé de s’en écarter et de faire application de l’article L341-2 à un contrat de franchise portant sur une activité de services immobiliers.  


L’affaire a, sans surprise, été portée devant la Cour de cassation.  


Cette dernière, rejetant le pourvoi, a suivi l’interprétation particulièrement extensive retenue par la Cour d’appel de Paris, qu’elle justifie par l’absence de définition légale du « commerce de détail » et la poursuite de l’objectif de protection de la liberté d'exercice de l'activité commerciale dans les réseaux de distribution commerciale, posé par la Loi Macron. 

Si l’interprétation retenue va dans le sens de l’objectif poursuivi par la Loi Macron et se rapproche de la règle de droit européen, la méthode est critiquable. 

En effet, si l’on se place sur le terrain de la sécurité juridique et de la prévisibilité du droit, il y a beaucoup à dire.            


Avec ce revirement de jurisprudence, la Cour de cassation retient une lecture non prévisible pour les justiciables, et ayant pour conséquence de rendre la clause réputée non écrite, une sanction particulièrement grave. 


Ainsi, non seulement elle se substitue au législateur en retenant une interprétation extensive discutable, mais surtout, les critères de validité modifiés sont rétroactivement appliqués. Cela aurait été différent si le législateur avait lui-même modifié les termes de la loi et étendu son objectif aux activités de services, puisque la loi ne dispose que pour l’avenir.   

Les parties, qui avaient alors négocié les termes d’un contrat de distribution et notamment de la clause de non-concurrence post-contractuelle pour être conforme au droit en vigueur, voient leur accord modifié par l’interprétation de la Cour. L’intention des parties n’est pas respectée.   


En outre, l’existence d’une clause de non-concurrence post-contractuelle ou d’une clause de non-affiliation est essentielle pour des franchiseurs. Rappelons que la tête de réseau qui concède l’exploitation de son savoir-faire est celle qui a supporté l’expérimentation de celui-ci pendant des années, avant de le concéder à ses membres dans une version purgée des défauts précédemment supportés. Cette clause évite la dilution de son savoir-faire chez des concurrents notamment ou qu’un ancien franchisé maintienne son activité à l’identique sans payer de redevances. La sécurité qu’apporte cette clause, est pour un franchiseur, une cause de son engagement. On peut donc s’interroger sur l’apparition d’un déséquilibre significatif du fait de la disparition de la clause.  

 
Enfin, cette interprétation est critiquable au regard de la nature d’une activité de prestation de services. En effet, considérer que la clause de non-concurrence doit être limitée aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat surprend s’agissant d’une prestation de services qui n’a pas lieu au sein du local exploité par le distributeur, lequel ne sert, généralement qu’à la gestion administrative de l’activité. D’ailleurs, certains distributeurs n’ont pas de local : ils ont une ligne téléphonique, un site internet, réalisent leur gestion administrative depuis leur domicile et se déplacent chez leurs clients. Aussi, interdire la concurrence post-contractuelle à partir de leur local ou de leur domicile, alors que ce n’est pas le point de rattachement de la clientèle doit interroger.             

Si on ne peut qu’espérer que la Cour de cassation modifie sa position et laisse le législateur légiférer pour l’avenir, il n’en demeure pas moins que dorénavant, il faudra considérer que l'article L 341- 2 du code de commerce s'applique aux activités de services.  

Peut-être que les juridictions feront preuve de souplesse lorsqu’elles auront à examiner une demande de révision judiciaire de la clause rédigée avant ce revirement de jurisprudence… ? Néanmoins, on peut en douter puisque la sanction retenue est celle de la clause réputée non écrite et qu’on ne peut réduire le périmètre de ce qui est inexistant. Ce n’est d’ailleurs pas le chemin que semble prendre la Cour de cassation (Com, 26 juin 2024 – n° 23-14.071)... 

Les têtes de réseaux d’activités de services, doivent dorénavant réagir pour éviter une dilution de leur savoir-faire. S’il leur reste quelques leviers pour le protéger, il faudra rester attentifs à l’évolution de la jurisprudence sur le sujet. 


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