Une action en justice engagée : information essentielle du DIP ?
La dissimulation d’informations essentielles telles qu’un état général de marché aux données à jour et une procédure en concurrence déloyale engagée à l’encontre d’un concurrent dans le cadre de la transmission du DIP sanctionnée par la nullité du contrat de franchise.
La Cour d’appel de Versailles, dans une décision du 28 septembre 2023, infirmant la décision rendue trois ans plus tôt par le tribunal de commerce de Nanterre, prononce la nullité d’un contrat de franchise pour dol et ordonne, en conséquence, la restitution des sommes versées au titre du contrat et notamment le droit d’entrée versé par le franchisé à la tête de tête de réseau.Court et rapide rappel des faits : Un contrat de franchise est conclu en 2013 pour l’exploitation, sous l’enseigne SPEED RABBIT PIZZA, d’un point de restauration et de vente à emporter de pizza. Le Franchisé bénéficie d’une exclusivité territoriale et doit, au titre de l’exécution du contrat, verser une redevance mensuelle correspondant à 5% de son chiffre d’affaires HT ainsi qu’une redevance publicitaire de 1%, payable chaque trimestre. L’exploitation du point de restauration débute le 4 février 2013 et seule la première facture de redevance du mois de février est réglée.
La société franchisée et son dirigeant, lequel s’est porté caution solidaires des sommes dues par la société franchisée au franchiseur, décident dans le prolongement de la mise en demeure de la tête de réseau de « régler le montant de ses royalties » s’élevant à près de 60.000 € d’assigner la société SPEED RABBIT PIZZA « devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de franchise et de la voir condamner à leur verser les sommes versées au titre dudit contrat. Ainsi, ils reprochent à la tête de réseau d’avoir « intentionnellement » manqué à son obligation précontractuelle, en dissimulant dans le document d’information précontractuelle (DIP) remis les difficultés rencontrées par les membres du réseau en raison de la présence d’une concurrence importante, de l’existence d’une action judiciaire initiée à l’encontre du réseau DOMINO’S PIZZA pour concurrence déloyale ou encore d’un rapport d’un cabinet d’expert qui constate que « la concurrence déloyale exercée par la société DOMINO’S PIZZA a conduit de nombreuses fermetures et liquidations judiciaires de franchisés SPEED RABIT PIZZA ».
Le tribunal de commerce de Nanterre déboute la société franchisée et son dirigeant de leurs demandes. Ils interjettent appel.
Aussi, la Cour d’appel de Versailles, à rebours de la décision rendue en première instance, retient la nullité du contrat de franchise pour dol, ordonne, en conséquence, la restitution du droit d’entrée et prononce l’annulation du contrat de cautionnement consenti par le gérant de de la société franchisée.
En effet, la Cour d’appel de Versailles considère, de manière classique, que le manquement de la tête de réseau à l’obligation d’information précontractuelle que lui impose les articles L.330-3 et R.330-3 du Code de commerce est, au regard des faits, constitutif d’une réticence dolosive, entrainant l’annulation du contrat de franchise. Ainsi, la cour d’appel relève notamment que « s’agissant des informations sur le marché national (…) les données communiquées sont anciennes, portant sur les années 2000 à 2004 » et que les « tendances prospectives du marché » se limitent « à l’horizon 2010 » alors même que le DIP a été remis en avril 2012.
Par ailleurs, la cour d’appel observe que le DIP « ne fait aucunement état de la procédure en concurrence déloyale introduite en mars 2012 contre la société DOMINO’S PIZZA »
Ces différentes informations, relatives à la viabilité de l’exploitation de la franchise, constituaient des « informations essentielles pour le candidat à la franchise lui permettant de s’engager en toute connaissance de cause ». Aussi, il résulte de ces éléments que « la société SPEED RABBIT PIZZA n’a pas fourni au candidat à la franchise des informations sincères qui lui auraient permis de s’engager en connaissance de cause. Bien au contraire, elle lui délibérément dissimulé des informations essentielles et déterminantes de son consentement, en violation de ces obligations légales d’informations précontractuelles ».
L’expérience du dirigeant de la société franchisée évoquée par la tête de réseau pour expliquer l’absence de transmission de ces informations dans le DIP n’a pas convaincu la Cour d’appel de Versailles laquelle considère que cette expérience mais aussi les courriels envoyés par la tête de réseau relayant des articles de presse ne pouvaient dispenser la tête de réseau de son obligation d’information.
L’annulation du contrat de franchise a pour conséquence la nullité du contrat de cautionnement consenti par le gérant de la société franchisée au profit de la tête de réseau et la restitution de la somme de 15.000 € correspondant au droit d’entrée versée par le franchisé au franchiseur pour intégrer le réseau.
(Cour d’appel de Versailles, 28 septembre 2023, 21/00561)
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