Marketplace et reventes hors réseau
Le refus d’une marketplace de retirer des annonces violant une interdiction de revente hors réseau est susceptible d’engager sa responsabilité pour tierce complicité.
La CEPC a répondu à plusieurs questions relatives à la vente via des marketplace.
Concernant l’interdiction de revente via certaines marketplace (pratique anticoncurrentielle)
Tout d’abord, a été posé à la CEPC la question de savoir si l’interdiction faite à un distributeur de vendre via certaines marketplace s’analyse comme une pratique anticoncurrentielle contraires à l’interdiction des ententes (art. 101§1 TFUE et art. L. 420-1 du code de commerce) ou comme un abus de position dominante (art. 102 TFUE et art. L. 420-2 du code de commerce).
Cette interdiction, répandue en pratique, prend la forme de pressions exercées via les clauses du contrat, ou dans les faits, sur les distributeurs, sans interdire pour autant de façon générale ce canal de vente, et s’applique à des « produits standards » (par opposition aux produits de luxe ou de haute technicité).
La CEPC a rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), une interdiction totale de vente en ligne est prohibée. Cependant, une interdiction partielle, visant à préserver l'image de luxe des produits, peut être légale si elle est uniforme, non discriminatoire et proportionnée. Cette règle, initialement appliquée aux produits de luxe, s'étend également aux produits de haute qualité et technicité. Une application à d'autres produits n’est pas exclue mais nécessite une analyse in concreto.
Ces interdictions peuvent être exemptées sous certaines conditions, selon le règlement (UE) 2022/720 et les lignes directrices sur les restrictions verticales. Les gains d'efficacité, tels que la protection de la marque et la réduction des ventes de produits contrefaits, peuvent justifier ces restrictions, à condition qu'ils ne puissent être obtenus par des moyens moins restrictifs. Par exemple, les lignes directrices mentionnent « lorsque la place de marché en ligne permet aux détaillants de créer leur propre boutique de marque au sein de la place de marché et contrôler ainsi davantage la manière dont leurs biens ou services sont vendus » (pt 342).
Il convient donc de rechercher si une telle mesure serait suffisante en l’espèce pour la protection du réseau par une appréciation in concreto.
Concernant la question de savoir si cela peut constituer un abus de position dominante, la CEPC considère qu’une analyse in concreto est également nécessaire.
Concernant la différence de traitement entre marketplace (pratique restrictive de concurrence)
La CEPC aborde ensuite la question de savoir si la différence de traitement entre les marketplaces s’analyse comme une pratique discriminatoire contraire à l’article L. 442-1, I, 4° du code de commerce
Ce texte interdit les pratiques discriminatoires dans les négociations commerciales, mais son champ d'application est limité aux produits de grande consommation (PGC) et aux rapports entre fournisseurs et distributeurs.
En l’espèce, les produits concernés ne sont pas nécessairement des PGC, et le fabricant n'a pas de lien contractuel avec la plateforme qui joue un rôle d’intermédiaire entre les distributeurs et les clients. Ainsi l'article L. 442-1, I, 4° est inapplicable.
Cela n’exclut pas toutefois de rechercher la responsabilité du fabricant et des distributeurs agréés sur le fondement des pratiques anticoncurrentielles ou du droit commun de la responsabilité civile.
Concernant la responsabilité de la marketplace (pratique restrictive de concurrence)
Enfin, la CEPC examine la responsabilité des plateformes en ligne en vertu de l'article L. 442-2 du code de commerce, qui sanctionne la participation à la violation de l'interdiction de revente hors réseau en ces termes : « « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence. »Pour l’auteur de la saisine, ce texte ne serait pas applicable aux marketplaces, car dans ce cas la plateforme joue le rôle d’intermédiaire, et ne participe pas à la vente.
Selon la CEPC, cet article est bien applicable aux marketplaces.
En effet, dans la mesure où ce texte incrimine aussi bien une participation directe qu’une participation indirecte à l’interdiction de revente hors réseau, la CEPC considère que la question de savoir si la place de marché intervient comme revendeur ou comme intermédiaire ne paraît pas déterminante.
En effet, même lorsqu’une plateforme a un rôle d’hébergeur (donc un rôle d’intermédiaire passif), sa participation à la violation de l’interdiction de revente hors réseau peut être retenue, mais ne peut être présumée s’il n’a pas connaissance de ventes contraires à un réseau (Com. 11 janvier 2023, n°21-21.846 Shiseido/ Amazon).
Dans ces conditions, la CEPC considère que lorsque la plateforme est mise en demeure de retirer les annonces par la tête du réseau, son refus est susceptible de s’analyser comme une participation à l’interdiction de revente hors réseau.
Pour rappel, la tête de réseau devra établir l’existence et la licéité du réseau pour invoquer des ventes hors réseau interdites.
Cet avis de la CEPC doit s’analyser à la lumière de l’article 6 du règlement du 19 octobre 2022 « Digital Services Act », entré en vigueur le 25 août 2023 s’agissant des très grandes plateformes et le 17 février 2024 pour le reste de ses dispositions, qui dispose qu’un hébergeur n’est pas responsable des informations stockées à la demande du destinataire du service à condition que :
« a) [il] n’ait pas effectivement connaissance de l’activité illégale ou du contenu illicite et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n’ait pas conscience de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité illégale ou le contenu illicite est apparent; ou
b) dès le moment où il en prend connaissance ou conscience, agisse promptement pour retirer le contenu illicite ou rendre l’accès à celui-ci impossible. »
CEPC - Avis n° 24-5 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur la légalité de la pratique de fabricants consistant à interdire à leurs distributeurs agréés de vendre les produits de leur marque sur des places de marché en ligne.
Nos solutions
Vous faites face à une situation précontentieuse et il devient nécessaire de travailler la pré constitution du dossier contentieux.
Vous devez assigner un distributeur qui viole ses engagements contractuels.
Vous venez d’être assigné par un ou plusieurs distributeurs.
GOUACHE AVOCATS analysera le dossier avec la plus grande objectivité, sur pièces, pour déterminer avec vous, en totale concertation, la stratégie du dossier, les moyens procéduraux à mettre en œuvre et le coût du procès.
Pour gérer votre contentieux en droit de la distribution, contactez GOUACHE AVOCATS.