Analyse concurrentielle des échanges d’informations
jeudi 6 février 2025

Analyse concurrentielle des échanges d’informations

A l’occasion d’une question préjudicielle de l’autorité de concurrence portugaise, la CJUE applique le régime des restrictions par l’objet à un échange d’informations

Un échange d’informations entre concurrents peut constituer une restriction de la concurrence, y compris par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, s’il relève d’une forme de coordination devant être regardée, par sa nature même, comme nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence dans le contexte de l’échange concerné. 

En l’espèce, par décision du 9 septembre 2019, l’autorité de concurrence portugaise a constaté que plusieurs établissements de crédit avaient enfreint les dispositions nationales du droit de la concurrence, ainsi que l’article 101 TFUE, en ayant pris part, entre le mois de mai 2002 et le mois de mars 2013, à des pratiques concertées ayant pour objet de restreindre la concurrence. 

Cette pratique concertée prenait la forme d’un échange d’informations « autonome » portant sur les conditions applicables aux opérations de crédit, notamment les écarts de taux de crédit et les variables de risque, actuelles et futures, ainsi que sur les chiffres de production individualisés des participants à cet échange. 

Estimant que cet échange d’informations est à même de contribuer à réduire la pression commerciale et l’incertitude liée au comportement stratégique des concurrents sur le marché, ce qui pourrait aboutir à une coordination informelle restreignant la concurrence, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité d’un tel échange avec l’article 101 TFUE. 

Selon la Cour (CJUE, 29 juill. 2024, aff. C-298/22, Banco BPN/BIC Português SA et a. c/ Autoridade da Concorrência), pour constituer une restriction par objet, l’échange d’informations doit présenter des caractéristiques le rattachant à une forme de coordination entre entreprises propre à créer des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché en cause. Ainsi, la transparence entre les opérateurs économiques est, à tout le moins sur un marché non oligopolistique, de nature à concourir à l’intensification de la concurrence entre les offreurs. En revanche, pour qu’un marché fonctionne dans des conditions normales, chaque opérateur doit, d’une part, être obligé de déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché unique et, d’autre part, être dans l’incertitude à tout le moins quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de modification future du comportement de ses concurrents sur ce marché

En outre, l’échange d’informations peut constituer une restriction par objet si, bien que n’étant pas formellement présenté comme poursuivant un objet anticoncurrentiel, cet échange ne peut pas s’expliquer autrement, eu égard à sa forme et au contexte dans lequel il est intervenu, que par la poursuite d’un objectif contraire à l’un des éléments constitutifs du principe de libre concurrence

Dans la mesure où chaque opérateur économique a l’obligation de demeurer dans l’incertitude quant aux comportements futurs des autres participants audit marché, un échange d’informations qui permet d’éliminer une telle incertitude peut être considéré comme relevant d’une forme de coordination entre entreprises qui est, par sa nature même, nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence

Il suffit que les informations échangées soient, d’une part, confidentielles, c’est-à-dire non déjà connues de tout opérateur économique actif sur le marché concerné, et, d’autre part, stratégiques, à savoir de nature à révéler, le cas échéant, après avoir été combinées avec d’autres informations déjà connues des participants à un échange d’informations, la stratégie que certains de ces participants entendent mettre en œuvre à l’égard de ce qui constitue un ou plusieurs paramètres au vu desquels s’établit la concurrence sur le marché en cause. 

Lorsque les informations échangées portent non pas sur des intentions de modification du comportement des participants à l’échange sur le marché en cause, mais sur des faits actuels ou passés, elles peuvent également être qualifiées d’informations stratégiques si un participant aux échanges en cause peut en inférer avec suffisamment de précision le comportement futur des autres participants à cet échange ou leurs réactions à un éventuel mouvement stratégique sur le marché. 

En définitive, la Cour retient qu’un échange d’informations intervenu entre des établissements de crédit sur des marchés présentant une forte concentration ainsi que des barrières à l’entrée et portant sur les conditions applicables aux opérations de crédit doit être qualifié de restriction par objet, dès lors qu’il comprend des informations stratégiques visant les intentions futures des autres participants à cet échange au sujet de l’un des paramètres au vu desquels la concurrence s’établit sur ces marchés. 

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