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DGCCRF : la preuve par questionnaire est-elle loyale ?
La Cour de cassation dans un arrêt du 29 janvier 2025, s’est positionnée sur la question de la déloyauté de l’emploi par des agents de la DGCCRF, de questionnaires standardisés limitant la liberté de réponse des personnes interrogées.
Cet arrêt porte sur une enquête menée en 2016 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (la DGCCRF), sur les conditions du rapprochement des groupes Casino et Intermarché aux fins de créer une centrale commune, la société Inca, ayant pour mission de négocier, à titre exclusif, pour ses sociétés mères les conditions d'achat des produits et la conclusion de la convention annuelle avec certains fournisseurs. A la suite de cette enquête le ministre de l'économie, leur reprochait d'avoir, par cette opération, violé les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa version alors applicable.
Les sociétés objets du contrôle reprochaient à la DGCCRF d’avoir obtenu des éléments de preuve de manière déloyale.
Elles estimaient ainsi l’usage de tableaux préremplis envoyés par les enquêteurs aux fournisseurs n'était "pas de nature à favoriser une réponse spontanée de ces derniers", ce dont il s'évinçait que les enquêteurs avaient imposé aux fournisseurs un cadre contraint de réponses qui, leur demandant de confirmer l'analyse préétablie incriminant les sociétés visées et ne favorisant pas des déclarations spontanées de leur part, constituait un procédé déloyal d'obtention de preuves en violation des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile, ainsi que du principe de loyauté dans l'administration de la preuve.
Sur ce la Cour de cassation répond en ces termes :
« 10. Sur les demandes d'informations complémentaires du 3 août 2016, l'arrêt retient que les tableaux standardisés, adressés aux fournisseurs des sociétés poursuivies, n'avaient pas pour finalité de confirmer les conclusions provisoires des enquêteurs quant à l'existence des pratiques restrictives de concurrence, mais de les compléter. Il relève que ces tableaux ont été diversement renseignés, certains ayant fait l'objet d'une confirmation succincte par la reprise des éléments préremplis par l'administration, tandis que d'autres ont donné lieu à de nombreuses précisions et rectifications, et en déduit que leurs destinataires, qui, de par leur appartenance à des grands groupes multinationaux, étaient particulièrement avertis et aptes à mesurer les enjeux de la procédure, ont conservé toute leur liberté de réponse. L'arrêt ajoute que le procédé ainsi décrit était transparent et que les éléments recueillis n'étaient donc affectés d'aucune déloyauté.
11. Sur les auditions de décembre 2016, l'arrêt relève qu'alors que l'enquête était très avancée, les agents de la DGCCRF ont, une nouvelle fois, soumis leur analyse des pratiques en cause aux fournisseurs concernés. Il retient que ce procédé n'est pas en soi condamnable puisque les affirmations des enquêteurs s'appuyaient sur une lecture d'éléments objectifs, que les réponses des fournisseurs étaient clairement distinguées et que ces derniers avaient à nouveau manifesté leur aptitude à répondre librement, en contredisant, le cas échéant, leur interlocuteur ou en soulignant leur incapacité à commenter les indications ainsi soumises à leur appréciation. L'arrêt ajoute que le procédé était transparent et que les réponses ont été librement données. Il en déduit l'absence de toute déloyauté de ce mode d'obtention de preuve.
12. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu retenir que les agents de la DGCCRF n'avaient pas utilisé un procédé déloyal pour obtenir les pièces produites par le ministre chargé de l'économie. »
Il est intéressant de noter que la Cour, pour écarter la déloyauté, relève la qualité de personnes averties des personnes interrogées, du fait des fonctions exercées dans des grands groupes de distribution, en déduisant leur capacité à se détacher de l’orientation donnée par la DGCCRF dans leurs questions. On peut donc très sérieusement s’interroger de la recevabilité d’une telle preuve si ce type de questionnaire était employé à destination de consommateurs par exemple.
Il est aussi notable que l’arrêt met en exergue la contradiction apportée aux conclusions de la DGCCRF, dont il est relevé le caractère objectif, par certaines personnes interrogées pour caractériser l’absence de contrainte. Il serait donc légitime de s’interroger sur la recevabilité de signalements reprenant la ligne argumentaire tracée par les agents, qui témoignerait par ailleurs d’un manque d’objectivité et de l’interprétation personnelle de ces derniers.
En conclusion, si cet arrêt vient valider la technique employée par la DGCCRF par usage de tableaux de question standardisés, il expose aussi les limites acceptables, gardes fous du respect des droits de la défense et de la loyauté de la preuve.
Cass. com., 29 janvier 2025, n° 23-15.828
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