Attention au recrutement de franchisés de réseaux concurrents (Franchise Magazine, Mars 2015)
» Télécharger le pdfDans cet arrêt, trois franchisés avaient signé un contrat de franchise pour des magasins de bricolage, sous enseigne B3, devenue Mr Bricolage. Leur contrat comportait une clause de préemption au profit du franchiseur en cas de cession des magasins ou de cession de contrôle des sociétés franchisées.
Une offre d’acquisition du capital des trois sociétés franchisées, et de deux sociétés civiles détenant les locaux, est présentée par un concurrent, Bricorama. L’enseigne Mr Bricolage avertit qu’il entend exercer son droit de préemption et donc se porter acquéreur des sociétés au prix proposé par Bricorama.
Une décision prise précédemment avait reconnu la validité et le caractère définitif de la préemption. La cession devient donc nulle mais la disparition des sociétés rend impossible la remise en l’état. Il restait donc à se prononcer sur le montant des indemnités dues à Mr Bricolage.
Cet arrêt vient détailler avec précision les postes de préjudice de l’enseigne qui n’a pas pu exercer son droit de préemption.
La Cour juge que « la non réalisation de la vente au profit de Mr Bricolage a causé une perte de chance à celle-ci de tirer profit de ces biens et de développer son réseau ».
Cette perte de chance doit être appréciée en tenant compte d’un certain nombre de facteurs : des gains théoriques possibles, des résultats de gestion du cessionnaire, de la gestion qu’aurait pu envisager le franchiseur eu égard aux modalités qui auraient pu être retenues (franchise ou intégration), mais aussi des effets de la concurrence sur le secteur et de la politique de développement du franchiseur.
La Cour retient également que, compte tenu de la faiblesse de l’offre des surfaces commerciales en région parisienne, cette opération présentait un réel intérêt sur le plan économique mais également commercial pour chacune des enseignes.
Le préjudice est fixé au cas d’espèce à 5 millions d’euros.
Au titre d’une concurrence déloyale, la Cour retient l’existence d’un préjudice résultant de la perte, dans un secteur très concurrentiel, pour le franchiseur de toute présence de la marque sur le territoire concerné.
La Cour condamne in solidum les cédants (les associés des sociétés franchisées concernées) et le cessionnaire (l’enseigne qui a acquis les parts, à savoir Bricorama). Cette décision signifie que chacune des parties peut être poursuivie en paiement de l’intégralité de la condamnation. Même si elle n’a pas formellement violé une obligation contractuelle qu’elle n’a pas souscrit (la clause de préemption) l’enseigne concurrente, se retrouve donc condamnée. Cette dernière a en effet commis une faute, certes délictuelle et non pas contractuelle, mais qui entraîne sa responsabilité.
L’intérêt de cette décision réside dans la détermination des éléments à prendre en compte pour le calcul du préjudice, en fournissant une liste précise des critères à prendre en considération. Auparavant, la Cour d’Appel de Paris avait pu considérer (CA Paris 4 septembre 2013) que le préjudice résultant du non-respect d’une clause de préemption n’était pas distinct du préjudice lié à la rupture du contrat.
Ici, ce n’est pas le cas puisqu’un préjudice spécifique est bien considéré, en fonction de critères détaillés, tenant compte tant la situation du franchiseur privé de l’exercice de son droit que des circonstances de marché du secteur concerné.
Il convient donc pour les enseignes de s’assurer du respect des clauses de préemption en vigueur dans les contrats de distributeurs qu’elles souhaiteraient voir rejoindre leur rang.
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