Opposabilité et validité de la clause de non concurrence de l’agent commercial
La clause de non concurrence de l’agent commercial est opposable à la société qu’il a créée et à qui il a transféré le contrat. Elle est valide dès lors qu’elle remplit les critères de l’article L.134-14 du Code de commerce.
L’arrêt de la Cour d’appel de Caen rendu le 7 juillet 2016 constitue une occasion de revenir sur les conditions d’opposabilité et de validité de la clause de non concurrence.
Suite à la rupture d’un contrat d’agent commercial, le mandat assigne l’agent en violation de la clause de non concurrence stipulée au contrat.
L’agent, personne morale, faisait valoir que la clause de non concurrence lui était inopposable au motif qu’elle était stipulé dans un contrat d’agent commercial conclu entre le mandant et une personne physique, et qu’il n’avait fait que reprendre l’activité de la personne physique, sans reprendre le contrat d’agent commercial. Il soutenait que l’intuitu personae du contrat d’agent commercial faisait obstacle à ce que ce contrat lui ait été transmis sans l’accord formel du mandant, de sorte qu’il avait poursuivi les relations contractuelles qu’entretenait la personne physique avec le mandat sans que le contrat signé entre eux ne s’applique.
Il faisait valoir à titre subsidiaire que la clause de non concurrence était nulle faute de ne pas respecter l’exigence de proportionnalité visée à l’article L.134-14 du Code de commerce.
Sur la question de l’opposabilité, la Cour relève que :
- la personne physique a fait procéder de manière quasi simultanée à sa radiation au registre spécial des agents commerciaux et à l’immatriculation de la société ayant poursuivi ses relations avec le mandant ;
- c’est l’agent personne morale, avant même sa création, qui a sollicité les commissions dues à la personne physique
- les commissions lui ont effectivement été payées, sans aucune remise en cause, de part et d'autre, de la poursuite du contrat dans les mêmes conditions que précédemment.
La Cour considère donc, que la personne physique a transféré son contrat à la personne morale qu’elle a créée, et que ce transfert a été accepté par le mandant, malgré l’absence d’accord exprès de ce dernier, de sorte que la clause de non concurrence est parfaitement opposable à l’agent commercial.
La Cour d’appel de Caen prenait ainsi une position inverse à celle adoptée par la Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 1er mars 2016 (CA Montpellier, 1er mars 2016, n°14-05046). Cette dernière avait débouté un agent commercial personne morale en paiement d’une indemnité de fin de contrat au motif qu’il n’y avait pas eu, compte tenu des circonstances de l’espèce, transfert du contrat conclu par la personne physique agissant à titre individuel à la société qu’il avait ensuite constituée, faute d’accord exprès du mandant.
S’agissant de la validité de la clause de non concurrence ensuite, l’agent commercial faisait valoir que la clause n’était pas proportionnée au motif qu’elle lui interdisait d’exercer toute activité objet du contrat d’agent commercial, y compris auprès d’une clientèle située en dehors du territoire qui lui avait été concédé.
Rappelons qu’en application de l’article L.134-14 du Code de commerce, une clause de non-concurrence post contractuelle stipulée dans un contrat d’agent commercial est valide sous réserve :
- d’être établie par écrit ;
- de concerner le secteur géographique confié à l’agent commercial ;
- le cas échéant, de concerner le groupe de personnes confié à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat ;
- de ne pas être d’une durée supérieure à deux ans après la cessation du contrat.
Bien que la condition de proportionnalité ne soit pas visée à l’article L.134-14 du Code de commerce, l’agent commercial sollicitait ici l’application de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui ajoute ce critère de validité à ceux visés par la loi (Cass.Com., 4 juin 2002, n°99-14.308).
La Cour de cassation appliquait ainsi, en plus des conditions légales, la condition de proportionnalité, appréciée in concreto, laquelle était déjà exigée comme condition de validité de clauses de non concurrence stipulées dans d’autres contrats, et notamment d’autres types de contrats de distribution.
Certains auteurs estimaient ainsi que cet arrêt de la Cour de cassation traduit « l’inscription des conditions légales spécifiques à l’agence dans un contexte plus général de validité des clauses de non-concurrence » (Y. Picod, Dalloz 2004, somm. p.904 ; N.Mathey, Contrats Concurrence Consommation n°2, février 2008, comm.38).
Ils critiquaient toutefois cette décision au motif que la validité d’une clause de non-concurrence ne devrait pas être remise en cause dès lors qu’elle respecte les conditions de l’article L.134-14 du Code de commerce, lesquelles apparaissent suffisantes pour garantir la protection des intérêts tant du créancier que du débiteur de l’obligation de non-concurrence (N.Mathey, Contrats Concurrence Consommation n°2, février 2008, comm.38 ; L.Leveneur, Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2002, comm. 153).
Malgré les critiques, la Cour de cassation a confirmé depuis sa jurisprudence (Cass. Com., 4 décembre 2007, n°06-15.137).
La Cour retient en l’espèce que la clause est proportionnée dès lors qu’elle est limitée géographiquement, qu’elle concerne les seuls clients et produits contractuels, et qu’elle est limitée à une durée deux ans après la cessation du contrat.
La condition de proportionnalité serait donc remplie, selon la Cour d’appel de Caen, dès lors que les conditions de l’article L.134-14 du Code de commerce seraient réunies.
Un arrêt de la Cour de cassation, qui ne s’est pas prononcé sur cette question depuis plusieurs années, serait souhaitable au nom de la sécurité juridique.
En conséquence, la Cour d’appel de Caen fait application de la clause pénale stipulée au contrat en cas en de violation de la clause de non concurrence, et condamne l’agent commercial à payer au mandant à titre de dommages et intérêts une somme égale 6 mois de commissions, calculée sur la moyenne des commissions des 12 derniers mois.
Notons sur ce point que le tribunal n’a pas fait application de son pouvoir de diminuer la clause pénale au motif que l’agent commercial ne démontrait pas que ce montant était manifestement disproportionné.
L’agent commercial qui était passé d’une activité à titre individuel à une activité sous forme de société doit s’assurer de l’acceptation du mandant, au risque de perdre son droit à l’indemnité de fin de contrat.
(CA Caen, 7 juillet 216, n°14/04267)
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