Attention aux conséquences d’une rupture brutale de relations commerciales avec les fournisseurs référencés auprès de votre réseau
Un franchiseur a été reconnu responsable d’une rupture brutale de relations commerciales établies pour avoir déréférencé un fournisseur. L’indemnisation a été calculée sur la base des ventes réalisées auprès de l’ensemble du réseau.
L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce prévoit qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale (…). »
De nombreuses décisions sont intervenues en lien avec cette pratique restrictive de concurrence, dont le régime est connu. Il convient tout d’abord qu’il existe une relation commerciale établie. Le fait de rompre cette relation, totalement ou partiellement, de manière brutale, c’est-à-dire sans respecter une durée de préavis appréciée notamment en fonction de la durée de la relation mais également de la dépendance de la partie de la victime de la rupture ou du temps nécessaire pour trouver d’autres clients, entraine la responsabilité de l’auteur de la rupture.
La décision rendue par la Cour de cassation le 5 juillet 2016 est intéressante en ce qu’elle aborde la question de la relation commerciale.
Au cas d’espèce, une enseigne de restauration exerçant tant à travers ses filiales qu’un réseau de franchise avait référencé un prestataire, en charge du suivi des fournisseurs. Ce dernier a reproché au franchiseur d’avoir rompu brutalement, après trois ans, la relation commerciale existante entre eux. Le franchiseur invoquait le fait qu’il n’existait pas de relation commerciale entre lui et ce prestataire dans la mesure où aucun échange commercial n’existait entre eux, tous les achats étant réalisés par ses filiales ou par les franchisés directement.
La Cour de cassation relève les éléments suivants :
- Le franchiseur avait donné des instructions à l’ensemble du réseau pour que cessent les commandes auprès de ce prestataire, avec qui le franchiseur ne travaillait plus ;
- Les franchisés avaient l’obligation de s’approvisionner pour 80 % auprès des fournisseurs référencés par le franchiseur ;
- Les restaurants sous enseigne, à compter de cette notification, ont cessé de passer des commandes à ce prestataire ;
- Un protocole d’accord signé au moment de la rupture par le franchiseur et le prestataire, l’avait été pour au nom du franchiseur et de ses filiales.
Elle relève donc que la société franchiseur avait été « seule décisionnaire pour ses filiales détenues à 100% et qu’elle seule a pris la décision de rupture ». Elle ajoute que « les franchisés n’avaient disposé d’aucune autonomie dans la décision de nouer des relations commerciales avec la société B(…) puis dans celle de les rompre » et qu’en conséquence la responsabilité du franchiseur sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
La conséquence de la reconnaissance de cette responsabilité du franchiseur est l’obligation d’indemniser la victime de la rupture. Il s’agit d’indemniser les conséquences non pas de la rupture en elle-même, mais de son caractère brutal, ainsi que le rappelle par ailleurs une autre décision de la chambre commerciale de la cour de cassation rendue le même jour. C’est pourquoi l’indemnisation porte sur la perte de marge qui aurait dû être réalisée pendant la durée de préavis qui aurait dû être respecté.
Au cas d’espèce, le préjudice résulte de la perte de la marge qui aurait dû être réalisée par le fournisseur auprès de l’ensemble du réseau. Le franchiseur ayant été reconnu seul responsable de la rupture sera logiquement seul condamné à indemniser le prestataire. Le montant de préjudice retenu dans cette affaire, compte tenu des faits de l’espèce, est de plus de 900.000 euros, pour une relation d’à peine trois ans.
Cette décision est cohérente avec celles qui sanctionnent des centrales de référencement qui déréférencent des fournisseurs en matière de distribution, le franchiseur ayant en réalité dans cette affaire agit comme tel.
Il convient donc pour les enseignes d’être vigilantes dans les conditions de rupture des relations avec les fournisseurs référencés, en l’absence de faute de ces derniers justifiant une rupture plus rapide, et cela alors même qu’elles ne réaliseraient aucune opération d’achat directement avec ces fournisseurs.
Cass. Com., 5 juillet 2016, n° 14-27.030
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