lundi 5 décembre 2016

La charge de la preuve de la licéité de la sélection dans un réseau de distribution sélective

La Cour de Cassation confirme que c’est au fournisseur de justifier des caractères objectifs et précis des critères de sélection et de la transparence de la procédure de sélection opérée.

Les sociétés RIS optique, Manin, Victoria Mijomo, BVA, Alex, Val Optic, Optic Massy 2000 ont toutes le même dirigeant et exploitent chacune plusieurs magasins d’optique et de lunetterie sous l’enseigne « Les Opticiens Conseils ».

En 1999, la majorité de ces magasins ont signé un contrat de partenariat avec la société Santé conseil service, filiale de la société AGF, afin de bénéficier de prestations d’optiques au meilleur coût.

La société Santé conseil service devenue Santéclair, souhaitant réorganiser son réseau, a adressé à l’ensemble de ses magasins une lettre de résiliation prenant effet au 31 Décembre 2002.

L’ensemble des magasins de l’enseigne « Les Opticiens Conseils » ont renouvelé leur candidature au nouveau réseau.

Cependant, seuls trois magasins exploités par la société Victoria, et un exploité par la société Manin, ont signé un accord de partenariat avec la société Santéclair.

Au mois d’Août 2005, la société Santéclair résilie ces contrats de partenariat, au motif que les magasins n’avaient pas respecté leurs obligations contractuelles.

Le 12 Juin 2006, ces sociétés ont assigné la société Santéclair en réparation de leurs préjudices causés par la résiliation du contrat de partenariat.

De plus, ces sociétés ont demandé la fourniture, sous astreinte, de la liste des opticiens agrées et qu’il soient enjoints d’affilier les magasins de la société « Les Opticiens Conseils » ayant présenté des dossiers d’affiliation ou de réaffiliation.

Suite à cette assignation, la société Santéclair a adressé à l’ensemble des opticiens, y compris à des magasins de l’enseigne « Les Opticien Conseils », un nouveau contrat de partenariat.

Cependant, la société Santéclair, compte tenu de la l’assignation, a suspendu l’examen des dossiers des plaignantes.

Les plaignantes ont à nouveau assigné la société Santéclair pour voir communiquer la liste des critères appliqués pour la sélection, et pour faire cesser ces pratiques anticoncurrentielles.

- La société Santéclair invoque l’article 1315 du Code civil pour avancer que la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve et que ce n’est pas à elle de justifier de l’application non-discriminatoire des critères de référencement.

La cour rappelle que pour satisfaire aux exigences de l’article L420-1 du Code de commerce, les critères d’agrément doivent avoir un caractère objectif et précis et ne pas être appliqués de manière discriminatoire. 

La Cour de cassation constate ensuite, que les plaignantes justifient de l’existence d’un refus de référencement pour les premiers dossiers, et de la suspension de l’étude de leurs nouveaux dossiers.

Au regard de ces constatations, elle conclut que c’est sans inverser la charge de la preuve que la Cour d’appel a exigé de la société Santéclair une justification de la mise en œuvre de critères objectifs et précis et de la transparence de la procédure de sélection opérée.

- La société Santéclair invoque l’article 34 de la loi n°78-17 du 6 Janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés pour s’opposer aux demandes de communication.

La société Santéclair argue du fait qu’en tant que responsable de données à caractère personnel, elle est tenue de prendre toute les précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement.

Les documents demandés par les plaignantes sont, pour la société Santéclair, non-publics et susceptibles de comporter des informations personnelles sur les opticiens candidats à l’entrée au réseau et concurrents des plaignantes.

La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’Appel, et constate l’absence d’indication de données à caractère personnel.

- Cependant, la société Santéclair a détaillé le mécanisme de découpage géographique des zones et a communiqué des pièces relatives au critère quantitatif.

La société Santéclair a notamment communiqué des lettres adressées aux candidats leur indiquant leur zone géographique, le nombre de partenaires prévus pour cette zone, et le nombre de places restantes.

La Cour de cassation considère à ce titre qu’elle a justifié de ses obligations et casse l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point.

Selon la Cour de cassation, la société SantéClair n’a pas opéré de manière discriminatoire en refusant le référencement de certains magasins au premier contrat de partenariat, ni en refusant l’examen des candidatures des plaignantes au second contrat de partenariat.

C.Cass 18-10-2016, n°15-15042

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