Condamnation d’un franchisé pour dénigrement du franchiseur
Le dénigrement du franchiseur par un franchisé est susceptible de constituer une faute contractuelle, causant un préjudice au franchiseur dont il est bien fondé à demander réparation.
Dans le cadre d’un contentieux opposant un franchiseur à plusieurs franchisés de son réseau, suite à la décision prise par le franchiseur de ne pas renouveler le contrat de franchise de plusieurs membres du réseau, certains franchisés, réunis sous forme de groupement, reprochant cette décision de non-renouvellement au franchiseur, organisent une campagne médiatique ayant pour objet de dénoncer le comportement du franchiseur, et de son actionnaire.
En particulier, le gérant d’un des franchisés :
- a revendiqué dans des articles de presse être « le leader de la contestation » et a utilisé les termes et les formules suivantes « entourloupe », « spoliation, (…) on vire sans préavis et puis voilà le tour est joué (…) et que pour les cow-boys, ce qui est valable en anglo-saxonie est valable partout dans le monde » ;
- a fait distribuer et a lui-même distribué des tracts au personnel de certaines agences du réseau, mais aussi dans des salons professionnels, par des personnes revêtues d’un tee-shirt mentionnant « [le franchiseur] plume ses franchisés », des tracts « sollicitant l’intervention de tous les clients et fournisseurs du [Franchiseur] pour leur faire part de leur désapprobation face à un comportement contraire à l’éthique » ;
- a adressé, au nom des franchisés du réseau, une lettre aux clients importants du franchiseur accusant ce dernier d’avoir « un comportement relevant un manque total d’éthique » ;
- a signé personnellement une lettre, en indiquant agir au nom du groupement des franchisés, qu’il a adressé au Ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Dans le cadre de l’instance judiciaire introduite par le franchisé et son gérant, en nullité du contrat de franchise, le franchiseur fait valoir que le gérant du franchisé et le franchisé lui-même avait commis à une faute contractuelle grave, du fait d’actes de dénigrement répétés et mensongers, en violation de leur obligation de faire la promotion de la marque concédée.
Pour leur part, le gérant du franchisé et le franchisé faisaient valoir qu’ils n’avaient commis aucune faute, qu’aucune atteinte à l’image de la marque n’avait été commise, et que la campagne d’information n’avait pour objet que de dénoncer, collectivement et de manière factuelle et objective, les manœuvres déloyales dont ils ont été victimes.
Le tribunal de première instance avait considéré que le gérant avait commis des actes de dénigrement caractérisant une faute contractuelle grave à l’encontre du franchiseur, aux motifs que :
- les termes employés dans les articles de presse sont particulièrement violents et cherchent à dénigrer l’honnêteté du franchiseur et de son actionnaire, et que ces propos sont attribués au gérant, ce qu’il ne conteste pas ;
- les actions menées par le franchisé et les autres membres du réseau vis-à-vis des clients et des fournisseurs avaient à l’évidence pour objet de nuire au franchiseur et à son actionnaire dans leurs relations avec les fournisseurs et la clientèle ;
- les propos tenus dans la lettre adressée au Ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme, revendiquée par le franchisé, dans laquelle il était demandé au ministre de faire pression sur l’actionnaire du franchiseur pour obtenir le rachat par ce dernier de leur fonds de commerce, et il était argué que l’échec d’un tel rachat « constituerait un précédent pour des centaines de milliers de franchisés », constituent des propos outranciers et sans aucun fondement juridique, dont l’objet ne peut être que de nuire au franchiseur et à son actionnaire ;
- les propos tenus par le gérant du franchisé et le franchisé n’étaient aucunement de rapport « factuel et objectif » de manœuvres qu’ils étaient les seuls à prétendre déloyales, dès lors aucune action judiciaire n’avait été engagée pour faire reconnaître les manœuvres déloyales dont ils se prétendaient victimes.
- ces agissements caractérisaient une violation de l’obligation faite au franchisé de « faire la promotion de la marque concédée par tous les moyens commerciaux à sa disposition ».
S’agissant de la réparation du préjudice, le tribunal de première instance l’a fixé à la somme forfaitaire de 5.000 euros, au motif que le franchiseur ne démontrait pas que l’atteinte à son image et à la marque ait eu une grande ampleur, ni qu’il ait dû faire des campagnes supplémentaires importantes de publicité pour atténuer cette atteinte à l’image de la marque, ni qu’il ait eu des pertes de marché significatives, et enfin qu’il ne justifiait pas du quantum demandé.
Saisie sur un appel du gérant du franchisé et du franchisé, la Cour d’appel confirme le jugement de première instance en jugeant que :
« La loyauté des affaires doit être conciliée avec le principe constitutionnel de la liberté d’expression et seuls les abus de ce droit peuvent être sanctionnés.
Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique admissible dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier.
Les propos de M. X dans la presse spécialisée, les tracts diffusés par lui et son attitude durant un salon professionnel, dont la matérialité n’est pas contestée, en mettant en cause l’éthique [du franchiseur] envers son réseau, même s’ils visent à appeler l’attention des pouvoirs publics sur le sort de celui-ci, s’insèrent dans une campagne qui a conduit certains gros clients à renoncer à recourir aux services de la société, ainsi que l’atteste le message électronique de la société Rhodia du 19 septembre 2013.
Il y a donc lieu de réparer le dommage causé par cette faute par l’allocation d’une somme de 5 000 euros, [le franchiseur] ne fournissant pas à la cour plus d’éléments que devant les premiers juges. La décision sera donc confirmée sur ce point.
Un acte de dénigrement est donc susceptible de caractériser un manquement contractuel, justifiant l’octroi de dommages et intérêts.
Si le débat ne semble pas avoir porté sur la différence entre actes de dénigrement et actes de diffamation (si les appelants ont fait valoir que les propos, s’ils étaient fautifs, auraient relevé de la diffamation, la Cour ne leur a pas répondu sur ce point), il convient de rappeler néanmoins que la jurisprudence distingue généralement le dénigrement, qui vise à jeter le discrédit sur les produits et/ou services d’une société, de la diffamation, qui vise seules atteintes portées à la personne elle-même.
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