Procédure collective à l’encontre du mandant et fait générateur de la créance de commission de l’agent commercial
Sauf stipulations claires contraires des parties au contrat, le fait générateur de la créance de commission de l’agent commercial se situe au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant.
En cas de procédure collective d’une société, les créances antérieures, c’est-à-dire celles dont le fait générateur est antérieur au jugement d’ouverture, et les créances postérieures, c’est-à-dire celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, font l’objet d’un mode de règlement distinct.
Le jugement d'ouverture de la procédure emporte de plein droit l'interdiction de payer toutes créances nées antérieurement audit jugement, lesquelles doivent être déclarées au mandataire judiciaire ou liquidateur judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACCC, et font l’objet d’un règlement dans le cadre de la procédure collective en fonction de leur rang.
En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, les créances postérieures doivent être payées normalement. En cas de procédure de liquidation judiciaire, les créances postérieures bénéficient d’un rang privilégié par rapport aux créances antérieures.
Il est donc essentiel pour un créancier de déterminer le fait générateur de ses créances pour connaître le mode de règlement qui leur est applicable.
Dans cet arrêt, un mandant est placé en redressement judiciaire, et son agent commercial l’assigne en paiement de commissions nées postérieurement au jugement d’ouverture.
Le mandant forme quant à lui une demande reconventionnelle en restitution de commissions indues correspondant à des créances antérieures à cette procédure collective qui n’avaient pas été déclarées au mandataire judiciaire.
Condamné en appel à restituer lesdites commissions, l’agent commercial forme un pourvoi en cassation et fait notamment valoir que l’ensemble des créances de commission issues de commandes passées avant mais encaissées par le mandant après l’ouverture de la procédure collective étaient des créances postérieures au motif que l’article 4.2 du contrat d’agence stipulait d’une part que « le droit à commission n’est acquis qu’après acceptation des ordres par le mandant, livraisons des marchandises et règlement des factures y afférentes » et d’autre part que « il n’est dû aucune commission sur les commandes acceptées et non livrées et non encaissées pour quelque cause que ce soit ».
L’agent commercial considère donc que l’article 4.2 du contrat fixe le fait générateur de la commission à l’encaissement des sommes par le mandant, et déroge à l’article L.134-6 du Code de commerce, selon lequel le droit a commission naît au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel ayant jugé que l’article 4-2 du contrat régissait l'exigibilité des commissions dues lors de l'exécution du mandat, et ne dérogeait pas à l'article L. 134-6 du code de commerce, de sorte que l'origine de la créance de commissions de l’agent commercial se situait lors de la conclusion des ventes, et que faute pour l’agent d’avoir déclaré à la procédure collective les créances correspondantes, celles-ci étaient éteintes.
La Cour de cassation suggère toutefois qu’elle aurait pu juger différemment dans l’hypothèse où les parties auraient clairement exprimé leur intention de déroger à l’article L.134-6 du Code de commerce s’agissant de la détermination du fait générateur du droit à commission, en indiquant que l’interprétation faite par la Cour d’appel de l’article 4.2 du contrat d’agence avait été rendue « nécessaire en l’absence de disposition claire sur l’intention des parties de reporter le fait générateur de la créance de commission à l’encaissement des factures ».
Cour. Cass. Chambre Commerciale, 7 mars 2018, 16-24.657
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