Contrôle des concentrations et pouvoir d’évocation du ministre de l’économie
Le ministre de l’économie a décidé de faire usage pour la première fois de son pouvoir d’évocation à propos de la prise de contrôle par Financière Cofigéo du pôle « plats cuisinés » du groupe Agripole (William Saurin, Panzani, Garbit)
I. Rappel de l’opération concernée
(i) Les parties à l’opération
La société Financière Cofigeo (l’acquéreur) est principalement active sur le marché de la fabrication et de la commercialisation de plats cuisinés (notamment sous les marques « Raynal & Roquelaure » et « Zapetti », ainsi que sous marques de distributeurs), de légumes cuisinés et de conserves de viandes, à destination de la grande distribution.
Les actifs repris concernent la fabrication et la commercialisation de plats cuisinés (notamment sous les marques « William Saurin », « Panzani » et « Garbit », ainsi que sous marques de distributeur).
(ii) Le contexte de l’opération
Le 12 juin 2017, la société Financière Cofigeo a notifié à l'Autorité de la concurrence son projet de prise de contrôle exclusif de certains actifs du pôle « plats cuisinés » du groupe Agripole.
L'accord dérogatoire donné par l'Autorité
À l'occasion de la notification de l'opération, la société Financière Cofigeo a sollicité le bénéfice de la dérogation prévue au 2ème alinéa de l'article L. 430-4 du code de commerce pour les sociétés en liquidation ou en redressement judiciaire, qui lui a été accordé par l'Autorité de la concurrence le 12 juillet 2017. La société Financière Cofigeo a ainsi été autorisée à procéder à la réalisation effective de l'acquisition des sociétés cibles, dans l'hypothèse où son offre de reprise serait retenue par le tribunal de commerce.
Par jugement du 3 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a retenu la société financière Cofigeo pour la reprise des sociétés cibles.
Examen approfondi de l’opération
Toutefois, la procédure engagée devant l'Autorité au titre du contrôle des concentrations, obligation légale qui s'impose à toutes les entreprises, sous certaines conditions de chiffres d'affaires, était toujours en cours. Cette procédure, indépendante de l'examen des conditions de la reprise par le tribunal de commerce, vise à protéger les consommateurs d'une restriction de la concurrence induisant par exemple un risque de hausses de prix résultant d'une concentration excessive d'un marché. Or, l'opération était susceptible de créer un quasi-monopole sur les marchés de la fabrication de plats cuisinés italiens et exotiques en conserve en France dans la mesure où Cofigeo, numéro deux du marché sur ces types de plats, à travers sa marque « Zapetti », rachetait les actifs de son principal concurrent, numéro un sur ces marchés (via les marques leader « Panzani » et « Garbit »).
(iii) Autorisation de l’opération sous réserve de la prise d’engagements
L'Autorité a analysé les effets de l'opération sur les marchés susceptibles d'être affectés par la reprise des actifs et des marques « William Saurin », « Panzani » et « Garbit », à savoir les marchés des plats cuisinés français (ci-après PCF : cassoulet, choucroute,…), des plats cuisinés italiens (ci-après PCI : raviolis, cannellonis,…) et des plats cuisinés exotiques (ci-après PCE : couscous, chili con carne,…), vendus sous formes de bocaux et de boîtes de conserve. L'Autorité a par ailleurs analysé l'impact de l'opération sur le marché, distinct, des plats cuisinés commercialisés en barquettes micro-ondables.
À l'issue de l'opération, la nouvelle entité serait devenue le leader incontesté sur la plupart des marchés étudiés, avec plus de 80 % de parts de marché sur le marché des PCI et plus de 70 % sur celui des PCE. Par ailleurs, Cofigeo aurait commercialisé l'ensemble des marques notoires de ces marchés : William Saurin, Panzani, Garbit, Raynal & Roquelaure et Zapetti. Or, sur ces marchés, et plus encore depuis les récentes crises alimentaires (le scandale dit de la « viande de cheval » notamment), les marques de fabricants jouent un rôle renforcé dans le choix des consommateurs, ce dont l'Autorité a tenu compte.
De fortes parts de marché sont généralement associées à une dégradation de la concurrence.
En l'espèce, l'instruction a montré de forts risques de hausses de prix sur des produits achetés au quotidien par les Français
Dans son examen de l'opération, l'Autorité a établi que Cofigeo et les sociétés cibles étaient les plus proches concurrents sur les marchés des plats cuisinés en conserve (le numéro deux rachetait le numéro un). La grande distribution les mettait ainsi en concurrence afin d'obtenir les meilleurs prix, que ce soit pour les marques nationales ou les marques de distributeurs.
De plus, l'Autorité a constaté que, sur les marchés des PCI et des PCE, les capacités de production disponibles des concurrents étaient faibles. Elle a par ailleurs noté l'absence d'entrée probable de nouveaux opérateurs ou d'opérateurs étrangers à brève échéance sur le marché français.
Ainsi, la grande distribution n'aurait plus eu de fournisseurs alternatifs crédibles sur les marchés des PCI et des PCE, alors qu'il ressort des tests de marché (consultation des opérateurs du secteur) réalisés par l'Autorité que les produits commercialisés par la nouvelle entité demeurent essentiels dans ses assortiments.
À l'issue de son analyse, l'Autorité a donc conclu que l'opération, si elle n'était pas assortie de mesures correctives, entraînerait, sur les marchés des PCI et des PCE, des risques importants de hausses significatives des prix au détriment, in fine, du consommateur.
Pour remédier à ces effets négatifs de l'opération, l'Autorité a assorti son autorisation de conditions qui s'imposent à Cofigeo et qui visent à permettre le développement d'une alternative sur les marchés des plats italiens et exotiques
En l'absence d'engagements proposés par Cofigeo répondant aux préoccupations de concurrence identifiées, l'Autorité a fait usage de son pouvoir d'injonction afin d'autoriser l'opération. Il s'agit de la seconde application de ce pouvoir depuis 2009 (date à laquelle l'Autorité s'est vu confier le contrôle des concentrations), qui permet exceptionnellement d'autoriser une opération avec des remèdes au lieu de l'interdire.
L'Autorité a ainsi enjoint à Cofigeo de céder la marque Zapetti, utilisée sur les marchés des PCI et des PCE, ainsi qu'un site de production permettant son exploitation et la production de MDD sur ces mêmes marchés.
II. Ouverture de la phase III
Il aura fallu attendre près de dix ans pour que soit mise en œuvre pour la première fois dans le contrôle français des concentrations une phase III, prévue par l'article L. 430-7-1, II, du code de commerce et qui a été introduite par l'article 96-V de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008.
Le ministre de l’économie et des finances a annoncé le 14 juin 2018 qu’il avait décidé de faire usage de son pouvoir d’évocation à propos de l’opération, notifiée par Financière Cofigéo SAS, de prise de contrôle exclusif du pôle « plats cuisinés » du groupe Agripole (propriétaire des actifs et marques du groupe William Saurin).
Pour le ministre, qui, en vertu de l’article L. 430-7-1 du code de commerce, n’a pas compétence pour se prononcer sur le maintien de la concurrence, cette opération appelle, au-delà de l’approche concurrentielle, une appréciation sous l’angle de motifs d'intérêt général tels que le maintien de l’emploi et le développement industriel, considérant certainement que les remèdes dessinés par l’Autorité ne permettent pas la sauvegarde du maximum d’emplois.
En pratique, la décision de l’Autorité ne sera pas mise en œuvre. Se substituera à celle-ci la décision du ministre qui devrait intervenir au plus tard le 19 juillet 2018.
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