Distribution sélective : licéité du réseau de distribution interdisant la revente des produits sélectifs sur des plateformes internet
Constituent un trouble manifestement illicite de nature à donner lieu à référé, la commercialisation et le référencement sur une marketplace non-agréé de produits de marque sélective en violation de l’interdiction de revente hors réseau.
Par un arrêt en date du 13 septembre 2017, la Cour de cassation s’est prononcée dans le cadre de la procédure en référé introduite par la société Caudalie à l’encontre de la société eNova afin d’obtenir la cessation de la commercialisation et du référencement des produits de sa marque sur la plateforme internet 1001 pharmacies, dont elle est l’exploitante.
La société Caudalie fabrique des produits cosmétiques de renom qu’elle commercialise au travers d’un réseau de distribution sélective par lequel elle autorise ses distributeurs agréés à revendre lesdits produits sur leur propre site internet en complément de leur activité commerciale menée sur leur point de vente physique mais leur interdit de recourir à une plateforme en ligne non-agréée.
La licéité de ce réseau de distribution sélective avait été admise par le Conseil de la concurrence (décision n°17-D-07 du 8 mars 2007).
Ayant découvert que la société eNova commercialisait ses produits via la plateforme internet 1001 pharmacies.com, la société Caudalie avait saisi le juge des référés en se prévalant d’un trouble manifestement illicite du fait cette activité. La société Caudalie considérait en effet que la revente de ses produits sur cette plateforme non-agréée constituait une violation de son réseau de distribution sélective ainsi que de l’article L. 442-6-I-6° du code de commerce.
Le 31 décembre 2014, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris a fait droit à sa demande en ordonnant, sous astreinte, la cessation de la commercialisation et du référencement des produits Caudalie sur le site internet 1001 pharmacies.com.
Saisie d’un recours introduit par la société eNova, la Cour d’appel de Paris (décision Caudalie du 2 février 2016, RG n° 15/01542) a infirmé l’Ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce. Elle a en effet estimé qu’il existait un faisceau d’indices sérieux et concordants tendant à établir que l’interdiction faite aux distributeurs de recourir à une plateforme en ligne était susceptible de constituer une restriction de concurrence caractérisée privant le trouble allégué par Caudalie de tout caractère manifestement illicite.
La Cour d’appel a fondé sa décision sur un communiqué de presse et des décisions rendues par l’Autorité de la concurrence, ainsi que sur la position de l’autorité de concurrence allemande qui tendent à établir que l’interdiction du recours aux plateformes en ligne est constitutive d’une restriction de concurrence caractérisée.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel en jugeant que les juges du fond ne justifiaient pas en quoi les décisions mentionnées au titre de « faisceau d’indices graves et concordants » privaient de tout caractère manifestement illicite le trouble allégué par la société Caudalie, à savoir la violation de son réseau de distribution sélective. La Cour de cassation a relevé que le Conseil de la concurrence avait admis la licéité de ce réseau par une décision du 8 mars 2007, non remise en cause à ce jour.
La société Caudalie est donc bien fondée à demander la cessation de la commercialisation et du référencement de ses produits sur la plateforme internet 1001 pharmacies.com.
Cette décision est très intéressante pour le secteur de la distribution sélective pour plusieurs raisons :
- D’une part, le promoteur d’un réseau de distribution sélective peut demander la cessation en justice de la commercialisation de ses produits sur une marketplace en violation de l’interdiction faite aux distributeurs de revendre lesdits produits sur un site internet autre que le leur.
- D’autre part, le juge des référés n’a pas compétence pour substituer son appréciation de la licéité d’un réseau de distribution sélective à celle effectuée par une autorité de la concurrence.
- Enfin, la position adoptée par la Cour de cassation montre que si les décisions de l’Autorité de la concurrence invoquées par la Cour d’appel à l’appui de sa décision tendent à qualifier l’interdiction de revente sur une plateforme internet de restriction de concurrence caractérisée, elles sont remises en cause par :
- Le rapport final de la Commission européenne relatif à l’enquête sectorielle électronique du 10 mai 2017
- Les conclusions de l’Avocat Général du 26 juillet 2017 dans le cadre de l’affaire Coty pendante devant la Cour de Justice de l’Union européenne.
Ces dernières positions vont dans le sens d’une validation des clauses interdisant les ventes sur les plateformes internet.
Cour de cassation, chambre commerciale, 13 septembre 2017 n°16-15067
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