Irrecevabilité d’une action en contrefaçon de droits d’auteur, faute de preuve du caractère original de l’œuvre
Une société revendiquant des droits d’auteur sur un slogan est déboutée de sa demande en contrefaçon de droits d’auteur à l’encontre d’une autre société, faute de démontrer le caractère original du slogan.
Une société d’apprentissage de la conduite s’estimait titulaire de droits d’auteur sur le slogan « lepermislibre » pour l’exploiter dans ses communications en l’associant à sa dénomination sociale, depuis sa date de création.
Elle assigne en contrefaçon de droits d’auteur et, à titre subsidiaire, en concurrence déloyale et parasitaire, une autre société ayant un un objet social identique qui utilisait ce slogan à titre d’enseigne, de nom de domaine et de marque.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris rejette l’intégralité de ses demandes (TGI Paris, 7 juill. 2016, RG n° 15/05127). Faute de droits d’auteur, aucune contrefaçon ne peut être caractérisée. La concurrence déloyale n’est pas non plus retenue par la juridiction.
1. S’agissant de la contrefaçon de droits d’auteur, la société demanderesse faisait valoir qu’elle était titulaire de droits d’auteur dans la mesure où le slogan portait l’empreinte de sa personnalité et remplissait la qualité d’originalité permettant de revendiquer une protection au titre du droit d’auteur dès lors que :
- il constituait un oxymore, le terme « permis » renvoyant à un caractère strict et officiel et le terme « libre » renvoyant à la notion de liberté et l’association de ces deux mots s’opposait à l’idée répandue selon laquelle le passage du permis de conduire est contraignant pour les candidats ;
- une recherche Google, réalisée par constat d’huissier, démontrait que l’expression « Lepermislibre » n’apparaissait jamais dans son entier, démontrant l’absence de banalité du slogan revendiqué.
La société défenderesse réfutait ces arguments au motif que l’utilisation courante de ces termes dans le domaine de la conduite et de l’apprentissage de la conduite rendait le slogan banal et le privait ainsi de toute originalité.
Le TGI, après avoir rappelé qu’il « appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue » afin de permettre au défendeur d’apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité, considère que le slogan « Lepermislibre» est dépourvu d’originalité et n’est donc pas éligible à la protection au titre du droit d’auteur.
Pour la juridiction en effet, la société demanderesse ne démontre pas le caractère original du slogan dès lors que celui-ci ne constitue pas nécessairement un oxymore, le terme « permis » pouvant recouvrir plusieurs sens dont celui d’autorisé qui n’est pas du tout antinomique avec libre.
Elle ajoute qu’au contraire, la société défenderesse est parvenue à démontrer que le slogan n’était pas empreint de la personnalité de son auteur, en rapportant la preuve du caractère banal de la combinaison de ces mots : « Si la condition de nouveauté n’est pas de même nature que celle d’originalité, il n’en demeure pas moins qu’en rapportant la preuve que de nombreux autres acteurs économiques ont déjà utilisé ces deux mots ensemble dans le domaine de l’apprentissage de la conduite, les défendeurs ont administré la preuve que la combinaison de ces deux mots est banale et à la portée de tout un chacun sans aucun effort de créativité donc dénués de toute empreinte de la personnalité. ».
Après avoir constaté qu’il n’existait pas de droits d’auteur, la question de leur titularité était superflue. Cette question est tout de même traitée par le TGI de Paris, qui constate que la société demanderesse échoue également à démontrer qu’elle a exploité sous son nom les signes « permis libre » comme slogan.
L’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet que la qualité d’auteur appartient à celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée. Si une personne morale qui commercialise son œuvre sous son nom est présumée titulaire des droits d’exploitation à l’égard des tiers poursuivis en contrefaçon en l’absence de toute revendication des auteurs, il lui appartient, pour bénéficier de cette présomption, de justifier de la date et des modalités de la première commercialisation sous son nom et d’apporter la preuve que les caractéristiques de l’œuvre qu’elle a commencé à commercialiser à cette date sont identiques à celles qu’elle revendique.
Or, en l’espèce, aucun usage à titre de slogan ne pouvait être revendiqué par la société demanderesse dès lors que celui-ci n’a pas été divulgué de façon visible et non équivoque sur le site internet et sous le nom de la société demanderesse. Cette dernière n’exploitait les termes « permis libre » ni à titre de dénomination sociale, ni à titre de marque, ni à titre de nom de domaine. L’utilisation de ces termes résultait uniquement d’articles de presse mentionnant de façon incidente les termes « permis libre », lesquels ne pouvaient à eux seuls démontrer qu’ils étaient exploités par la société demanderesse dans le cadre de son activité.
2. Par ailleurs, aucun acte de concurrence déloyale n’est retenu par le TGI dès lors que la société demanderesse n’a pas exploité le slogan « Lepermislibre » en tant que tel, préférant d’autres slogans ou d’autres signes pour sa dénomination sociale ou ses noms de domaine. Aucun acte de concurrence déloyale ne peut être constitué du fait de l’usage d’un signe banal dans la vie des affaires.
Si un slogan est susceptible d’être protégé au titre des droits d’auteur, encore faut-il que celui-ci répondent au critère d’originalité imposé par le Code de la propriété intellectuelle. A défaut, son titulaire ne pourra pas agir en contrefaçon à l’encontre d’un concurrent qui utiliserait un slogan identique.
S’il existe un doute sur le caractère original d’un slogan, il serait alors préférable, pour son auteur, de le déposer à titre de marque afin de bénéficier d’une protection de son slogan au titre du droit de la propriété intellectuelle.
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