Contrats de distribution, contrats d'adhésion
« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties.
Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties. »
Dans l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, le contrat de gré à gré était défini comme « celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties » et le contrat d’adhésion comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. »
Ce dispositif a fait l’objet de critiques lors du vote de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance, lesquelles portaient notamment sur le sens des « conditions générales » et la portée de cette catégorie. La loi de ratification est donc venue redéfinir le contrat d’adhésion et le champ d’application du déséquilibre significatif.
Désormais, l’article 1110 du code civil prévoit que le contrat de gré à gré est « celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. » et le contrat d’adhésion est défini comme « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties ».
Ce dispositif a fait l’objet de critiques lors du vote de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance, lesquelles portaient notamment sur le sens des « conditions générales » et la portée de cette catégorie. La loi de ratification est donc venue redéfinir le contrat d’adhésion et le champ d’application du déséquilibre significatif.
En supprimant le terme « librement » de la définition du contrat de gré à gré, la loi de ratification a réglé une incohérence du texte initial. En effet, en distinguant le contrat « librement » négociable du contrat « soustrait à la négociation », le dispositif initial ne traitait pas du cas du contrat négocié non librement, par une partie n’ayant pas un pouvoir réel de négocier. Avec la nouvelle définition, seules subsistent la catégorie du contrat dont les stipulations sont négociables et celle du contrat comportant un ensemble de clauses non négociables. On peut toutefois se demander si le nouveau dispositif n’aura pas des effets pervers en incitant une partie à proposer un contrat extrêmement draconien pour en négocier les clauses et aboutir à un contrat simplement draconien qui sera certes très déséquilibré mais dans lequel toutes les clauses auront été négociées, de sorte que celui-ci échappera au déséquilibre significatif.
Au-delà, la nouvelle définition du contrat d’adhésion soulève un certain nombre de difficultés.
D’abord, qu’entend-on par le terme « clause » ? S’agit-il d’un article, d’une phrase ou de quelques mots qu’il convient de négocier pour échapper à la qualification du contrat d’adhésion ? La réponse à cette question est importante car elle aura des incidences sur la rédaction des contrats.
Ensuite, quand sera-t-on en présence d’un « ensemble de clauses » non négociables ? Deux clauses non négociables suffisent-elles à caractériser cet ensemble ? La question est importante au regard des contrats de distribution. En effet, si tel devait être le sens à donner à « l’ensemble de clauses », le contrat de franchise serait toujours un contrat d’adhésion puisqu’il y aura toujours au moins deux clauses non négociables : celles relatives à la marque et au savoir-faire car le franchiseur ne changera pas sa marque ou son savoir-faire à l’issue d’une négociation. La référence à un ensemble de clauses semble toutefois impliquer qu’il faudrait davantage de clauses non négociables pour qualifier le contrat d’adhésion. Par ailleurs, il nous semble que l’importance des clauses non négociables concernées devrait également être déterminante dans la qualification du contrat d’adhésion.
Par ailleurs, quel sens doit être donné à une clause « non négociable » ? On peut notamment se demander si une clause pourra être considérée comme négociée, même si celle-ci n’a pas été modifiée d’une virgule, dès lors qu’un autre avantage aura été conféré à l’autre partie lors des négociations du contrat, examen auquel procèdent déjà les juges pour l’application de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce .
Enfin, pour pouvoir qualifier le contrat d’adhésion, les clauses non négociables doivent avoir été « déterminées à l’avance par l’une des parties ». Ce critère ne conduira-t-il pas à une stratégie consistant à laisser la partie « faible » proposer la première mouture du contrat, pour ensuite revoir intégralement ce premier projet, en contre-proposition, de manière non négociable ? Dans ce cas, les clauses du contrat revu n’auront pas été déterminées à l’avance par l’une des parties et celui-ci ne serait donc pas qualifié de contrat d’adhésion, alors même que le contrat serait déséquilibré.
La définition du contrat d’adhésion et son champ d’application devront donc être précisés par la jurisprudence.
En cas de qualification du contrat en contrat d’adhésion, celui-ci entrera dans le champ d’application du déséquilibre significatif en application de l’article 1171 du code civil.
Alors que le texte initial visait « toute clause qui créé un déséquilibre significatif », le nouvel article 1171 du code civil prévoit que seule la clause « non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». Cette précision doit être saluée car désormais, une clause effectivement négociée sera à l’abri du déséquilibre significatif même si elle figure dans un contrat d’adhésion. Il est donc toujours utile de se préserver la preuve de la négociation de certaines clauses, quand bien même toutes les clauses du contrat n’auraient pas été négociables.
En matière de contrat de distribution, on peut toutefois se demander si l’article 1171 du code civil ne sera pas évincé par l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce.
Si la question du cumul de ces deux articles n’a pas été réglée par la loi de ratification, il faut toutefois noter que l’ordonnance du 10 février 2016 a posé à l’article 1105 alinéa 3 du code civil la règle selon laquelle le spécial déroge au général, laquelle permettrait d’exclure l’application de l’article 1171 du code civil à chaque fois qu’un texte spécial serait applicable.
A cet égard, les travaux parlementaires se sont exprimés en faveur du non-cumul. Le rapporteur au Sénat a ainsi indiqué que « l'article 1171 du code civil ne peut s'appliquer dans les champs déjà couverts par l'article L. 442-6 du code de commerce et par l'article L. 212-1 du code de la consommation, lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation… » . De même, devant l’Assemblée Nationale, la garde des Sceaux a jugé « inutile » de préciser le non-cumul dans le texte de loi .
L’article 1171 du code civil ne serait donc applicable qu’aux contrats entre particuliers qui ne sont pas déjà régis par un droit spécial et aux contrats conclus entre professionnels ne relevant pas du champ de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce (par exemple, entre une coopérative d’achat en commun de commerçants et ses associés, entre un GIE et ses membres, ou encore entre un bailleur et un preneur dont les relations sont régies par le statut des baux commerciaux)
Les débats parlementaires n’ayant toutefois aucune valeur normative, il peut être permis de douter du non-cumul de ces dispositions.
D’une part, la Cour de cassation a décidé dans un arrêt du 24 mai 2017 que la nullité ne pouvait être demandée lors d’une action privée fondée sur l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ; cette différence de sanction avec l’article 1171 pourrait exclure que le premier de ces textes soit spécial par rapport au second. En outre, ces deux textes reposent sur des conditions différentes, à savoir l’existence d’un contrat d’adhésion pour l’article 1171 du code civil et la soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif pour l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce.
D’autre part, pour des raisons tenant à l’encombrement de la Cour d’appel de Paris, seule juridiction d’appel compétente pour connaître du contentieux lié à l’application de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, les juges pourraient être tentés de ne pas l’invoquer d’office, ce qui conduirait, si les parties ne l’invoquent pas non plus, à une application de l’article 1171 du code civil. Cette dernière hypothèse est toutefois contestable dès lors que les règles de spécialisation des juridictions pour connaître du contentieux de l’article L. 442-6 du code de commerce sont impératives. Aussi, dans le cas où un demandeur n’invoquerait pas ce texte, il appartiendra au défendeur qui préférera être soumis à l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce de le soulever en faisant valoir le non-cumul de cet article avec l’article 1171 du code civil. Le non-cumul serait d’ailleurs plus favorable à la tête de réseau dans les relations de distribution. Si par exemple il peut exister des contrats de franchise non négociés, la condition tenant à la « soumission » du franchisé à un déséquilibre significatif est plus difficile à établir dès lors qu’un franchiseur est rarement incontournable.
En conséquence, compte tenu de la nouvelle définition du contrat d’adhésion et des interrogations qui l’entourent, il est vivement recommandé aux têtes de réseaux de se préserver non seulement la preuve de la négociation globale menée avec leurs distributeurs, mais également de la négociation de chaque clause du contrat proposé.
A noter enfin, que le nouveau dispositif relatif au contrat d’adhésion est applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2018, date d’entrée en vigueur de la loi. Les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016) et le 30 septembre 2016 demeureront soumis aux dispositions initiales de l’ordonnance du 10 février 2016.
Nos solutions
Gouache Avocats est spécialisé en droit de la distribution et créé plus de 50 réseaux de distribution par an.Gouache Avocats rédige vos contrats de distribution avec des outils méthodologiques éprouvés avec des centaines d’enseignes.
Les contrats de Gouache Avocats sont adaptés à votre activité, clairs pour vos partenaires et les magistrats.
Le contentieux est anticipé, prévenu et les outils pour l’aborder ont été pensés dès la rédaction du contrat.
De nombreux clients du cabinet sont régulièrement primés par des jurys professionnels (Espoirs de la Franchise, Révélations de la Franchise, Coups de Cœur de la franchise de l’Express, Prix des créateurs de commerce UNIBAIL RODAMCO, Enseignes d’Or, etc.).
Pour créer votre réseau de distribution et vous doter des contrats nécessaires à la réussite de votre développement