Licence de marque requalifiée en contrat de franchise
Les juges ne sont pas tenus par les intitulés que les parties donnent à leurs actes, mais sont au contraire tenus de leur restituer leur véritable qualification : quels sont les critères et les conséquences de cette requalification ?
En l’espèce, la question principale était de déterminer si le contrat signé entre les parties au litige devait être qualifié de contrat de franchise et non pas de contrat de licence de marque et, si tel était le cas, si ce contrat était valide ou nul. La société H, et la SAS Groupe Corede Bât, avait signé le 29 octobre 2018 un contrat qualifié de “licence de marque”. Ce contrat prévoyait que Groupe Corede Bât fournirait divers supports et services, tandis que H devait payer un droit d’entrée de 10.000 euros et des redevances mensuelles. Groupe Corede Bât devait également acquérir 5% du capital de H.Le Tribunal de Commerce de Poitiers a requalifié le contraten contrat de franchise, jugeant qu’il était sans cause et donc nul. La Cour d’appel de Poitiers a confirmé cette décision. Elle a tout d’abord estimé que le contrat, bien que qualifié de licence de marque, comportait les trois éléments caractéristiques d’un contrat de franchise : mise à disposition d’un signe distinctif, transmission d’un savoir-faire, et fourniture d’une assistance commerciale ou technique. La Cour s’est fondée sur l’analyse du Préambule, des articles du contrat, dont plusieurs évoquaient la communication de ces trois éléments, sur la remise d’un document d’information précontractuel qui mentionnait ces éléments et sur le fait que le dirigeant de Corede Bât avait lui-même parlé de contrat de franchise dans des échanges avec le candidat.
Une fois la requalification opérée, la Cour a jugé que la contrepartie fournie par Groupe Corede Bât était illusoire ou dérisoire, rendant le contrat nul selon l’article 1169 du Code civil, lequel dispose : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. » C’était ce que l’on appelait, avant la réforme du droit des obligations de 2016, l’absence de cause. Cette analyse de la contrepartie a été menée au regard de ce qui est attendu d’un contrat de franchise. Au titre de la marque elle relève qu’elle n’était pas encore enregistrée, qu’elle était dépourvue de caractère distinctif et sans aucune notoriété. Ce dernier point nous semble contestable dans la mesure où la notoriété de la marque n’est pas une condition pour pouvoir licencier celle-ci, y compris dans le cadre d’un contrat de franchise, à moins que le franchiseur ait souscrit contractuellement un tel engagement. Au titre du savoir-faire, elle relève que « la société Groupe Corede Bât, très récemment constituée, à l'activité très réduite et à l'expérience limitée aux chantiers de quelques boutiques et maisons selon les énonciations mêmes du contrat, sans personnel autre que ses deux animateurs eux-mêmes peu expérimentés, n'en avait aucun spécifique, et a fortiori substantiel, à transmettre à sa cocontractante. » Enfin, pour l’assistance elle relève qu’il s’agissait uniquement de généralités et de la fourniture de quelques éléments de supports de communication (cartes de visites, vêtements, panneaux, flocage) et qu’elle ne recouvrait aucune réalité.
La Cour d’appel a confirmé l’annulation du contrat et a ordonné à Groupe Corede Bât de rembourser les sommes versées par H et de céder les parts sociales acquises pour 50 euros.
Cette décision se fonde sur les critères habituellement observés en jurisprudence pour requalifier un contrat de licence en contrat de franchise. Elle illustre également le fait que cette requalification n’est habituellement que la première étape avant de solliciter la nullité du contrat, ou le cas échéant sa résiliation aux torts du « franchiseur ».
Il est donc essentiel, pour les enseignes qui souhaitent recourir à un contrat de distribution pour se développer en réseau, de bien qualifier le contrat qu’elle souhaite mettre en place et de s’assurer qu’elles sont en mesure d’offrir l’ensemble des contreparties induites par cette qualification. Une fois la qualification confirmée il convient également que les contrats et l’ensemble des communications opérées soient conformes avec la qualification retenue.
CA Poitiers, 9 juillet 2024, n°22/02795
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