Attention aux conséquences de l’intervention d’une société mère dans les affaires de sa filiale
L’intervention d’une société mère dans les affaires de sa filiale, qui avait conclu un contrat de distribution, engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis du tiers contractant avec la filiale.
Début 2010, une société française conclut un contrat de distribution exclusive avec une société anglaise, filiale d’une société française, pour la distribution de tubes en acier réfractaire. Ce contrat avait une durée de 5 années. En novembre 2011, la société anglaise rompt unilatéralement le contrat avec son distributeur, en invoquant des manquements graves à la charge de ce dernier.
Le distributeur assigne la société anglaise, qui est finalement placée en procédure collective. Il assigne également la société mère française au titre de la responsabilité délictuelle, considérant que celle-ci s’était immiscée dans la conclusion et l’exécution du contrat de distribution. La société mère française fait valoir l’indépendance juridique des deux sociétés et l’existence de patrimoines distincts, ainsi que l’effet relatif des contrats, quand bien même l’une serait la filiale de l’autre et qu’elles auraient le même directeur général.
La Cour d’appel relève pour sa part que la société mère française a été partie prenante à la négociation et à l’exécution du contrat. Lors des négociations, le directeur général commun, agissant en tant que directeur général de la société mère, indiquait qu’un recours aux services de cette dernière était projeté. Il ressort également que c’est sous l’impulsion de la société mère que le contrat a été signé, qui a par ailleurs suivi son exécution. Elle a notamment été destinataire du plan marketing qui détaillait les visites prévues de 2010 à 2012, ainsi que des rapports d’activité et compte-rendu trimestriels. De nombreux échanges étaient intervenus avec le DG de la société mère, agissant expressément en cette qualité. Surtout, c’est en qualité de DG de la société mère qu’il annoncait par email au distributeur qu’il allait être mis fin au contrat de distribution exclusive, quand bien même le courrier de résiliation était ensuite adressé sous l’en-tête de la filiale anglaise. Aucune mention des courriels du DG ne renvoyait à sa qualité de directeur général de la filiale anglaise.
Enfin, la société mère mentionnait dans son objet social « toutes activités concernant les filiales de la société [X], et relatives à l’animation du réseau commercial (…) ».
La Cour rappelle que si l’intervention dans les affaires de sa filiale n’est pas en soi critiquable, cela ne « l’exonère pas de sa responsabilité vis-à-vis des tiers lorsque ses décisions ont été à l’origine d’actes fautifs qui leur ont causé préjudice ».
La Cour relève ensuite que les manquements invoqués n’étaient pas caractérisés et n’avaient jamais fait l’objet de mise en demeure. Au contraire, la résiliation intervenait 4 mois après une proposition de résiliation amiable faite dans un courrier de la société mère, lequel précisait qu’aucun reproche n’était formulé à l’encontre du distributeur et qu’une erreur de jugement du directeur général avait conduit à leur collaboration.
En conséquence, la société mère ayant été l’inspiratrice et même l’exécutrice directe de la rupture fautive, elle sera condamné in solidum à réparer les conséquences dommageables subies par le distributeur.
Le fondement juridique pour la condamnation de la société mère est celui de la responsabilité délictuelle. Il ne pouvait pas s’agir de responsabilité contractuelle dans la mesure où la société mère n’était pas partie au contrat. La responsabilité délictuelle implique donc que la société mère a commis une faute qui ayant causé un dommage justifie sa réparation. La faute reprochée en l’espèce n’est pas le fait que la société mère soit intervenue dans les affaires de sa filiale. Au contraire, la Cour d’appel précise que cette intervention n’est pas critiquable. La faute de la société mère ne consisterait donc pas dans le fait d’avoir initié la décision de rompre le contrat, mais dans le fait que la décision dont elle aurait été à l’origine était fautive, la résiliation du contrat n’étant pas justifiée.
Si ce raisonnement permet de désigner un débiteur solvable pour indemniser le distributeur victime de la rupture fautive, il ne saurait aboutir à considérer qu’une société mère serait systématiquement responsable des agissements de ses filiales.
(CA Angers, Ch. Com. Sect. A, 27 sept. 2016, n°15/00008)
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