Rejet d’une demande de communication de pièces d’un franchisé fondée sur l’article 145 CPC
La demande de production de pièces formée par un franchisé sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile doit être rejetée dès lors qu’il n’est pas justifié d'indices précis, sérieux et concordants étayant ses soupçons de traitement discriminatoire entre franchisés du même réseau.
Un contrat de franchise avait été signé pour l’exploitation d’un magasin sous une enseigne de la grande distribution alimentaire.
Le franchisé (ci-après le « franchisé A ») a dénoncé le contrat de franchise à son échéance.
A la suite, estimant avoir été victime d'un traitement déloyal et discriminatoire de la part de son ancien franchiseur, par rapport à un autre franchisé (ci-après le « franchisé B ») qui aurait bénéficié d'avantages financiers et ristournes très supérieurs à ceux dont elle-même bénéficiait, le franchisé A a saisi le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir la communication sous astreinte de documents en vue d'agir sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 442-6 du Code de commerce.
Le juge des référés du Tribunal de commerce de Bordeaux, constatant que le franchisé B avait communiqué les bilans dont la communication était sollicitée par le franchisé A, a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes.
Le franchisé a interjeté appel de cette ordonnance et demandait à la Cour d’appel de Paris d’ordonner sous astreinte :
- au franchisé B et au franchiseur, la communication du contrat de franchise régularisé entre eux avec l'annexe portant sur les conditions de ristournes, ainsi que l'avenant au contrat de franchise tel qu'il existe en leur possession ;
- au franchisé B, la communication des éléments bilanciels de sa société (annexes non publiées) depuis l'année 2013.
Le franchisé A, estimant être victime de discrimination ayant des effets anticoncurrentiels, soutenait qu'il existait un litige potentiel avec son ancien franchiseur qui justifiait, selon lui, d'ordonner la mesure de communication de pièces demandée sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.
Il prétendait notamment que certains franchisés pouvaient bénéficier de ristournes allant jusqu'à 9,75 % du chiffre d'affaires entrepôt hors taxe, alors qu'à des conditions comparables, il ne percevait qu'1 %.
Pour mémoire, selon l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Comme le rappelle la Cour d’appel de Paris, « l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès « en germe » possible sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. »
Or, la Cour, sans apprécier le bien-fondé des demandes susceptibles d'être ultérieurement soutenues devant le juge du fond au regard des différents fondements juridiques que le franchisé proposait d'engager, ni d'entrer dans la comparaison de la situation des deux supérettes respectivement exploitées par les franchisés A et B, dont l'appréciation excède la compétence du juge des référés, relève que « les éléments produits ne confortent pas le caractère vraisemblable des faits allégués par le franchisé A dans sa requête ».
Selon la Cour le franchisé A ne justifiait pas « d'indices précis, sérieux et concordants pour étayer ses soupçons de traitement discriminatoire entre franchisés du même réseau […] dans la mesure où [il] se contente d'affirmer que d'autres franchisés auraient bénéficié d'avantages et de ristournes supérieurs à ceux qui étaient prévus dans son contrat sans verser aucun élément de nature à rendre crédibles ses allégations ».
En premier lieu, le franchisé A produisait seulement la copie d'un avenant au contrat de franchise entre le franchisé B et le franchiseur qui contiendrait des conditions plus avantageuses que celles consenties par son franchiseur à l'époque où il était lui-même franchisé du réseau.
Or, les juges d’appel relèvent que les conditions d'obtention de ce document sont inconnues et que celui-ci était contesté par les intimés, aucun élément de preuve postérieur ne permettant de s'assurer qu'il avait été signé.
En deuxième lieu, le franchisé A soutenait que la valeur probante de ce document était renforcée par l'aveu du franchiseur de l'existence d'une différence de traitement dans ses écritures devant la Cour d'appel de Grenoble (contentieux antérieur qui avait abouti à une décision d’incompétence du Président du Tribunal de commerce de Grenoble qui avait été saisi par le franchisé A), qui avait indiqué « même si le contrat [conclu avec le franchisé B] prévoyait ce que [le franchisé A] prétend, cela ne permettrait pas pour autant de démontrer l'existence d'un traitement discriminatoire [du franchisé A] et donc la possibilité d'une action sur ce fondement ».
La Cour d’appel de Paris considère qu’aucune reconnaissance des faits allégués ne peut ressortir de cette déclaration.
En dernier lieu, la Cour d’appel juge que le franchisé A ne démontre pas en quoi les bilans du franchisé B qui étaient pourtant demandés au titre des pièces utiles et qui lui ont été communiqués devant le premier juge établissent un indice d'un traitement déloyal et discriminatoire par le franchiseur.
Ainsi, le franchisé A, qui soutenait que d’autres franchisés auraient bénéficié d’avantages et de ristournes supérieurs à ceux dont il avait bénéficié, ne rapportait en réalité aucun élément permettant d’étayer son soupçon de traitement discriminatoire par le franchiseur, entre franchisés du même réseau.
Sans surprise, la Cour d’appel de Paris confirme donc l'ordonnance ayant rejeté la demande de communication de pièces formée par le franchisé A sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.
CA Paris, 31 oct. 2018, n° 17/04981
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