L’évaluation du préjudice de concurrence déloyale
Dans le cadre des contentieux de concurrence déloyale, l’évaluation du préjudice indemnisable est un sujet complexe car assez ouvert, et laissé à la libre interprétation des juridictions saisies, qui appellent souvent à une évaluation par voie d’expert. Pour autant, la jurisprudence et les praticiens ont dessiné certaines règles méthodologiques, qui méritent d’être connues pour appréhender en amont de l’instance, l’enjeu de son dossier.
La jurisprudence considère que s’infère nécessairement des actes de concurrence déloyale ou parasitaire, un trouble commercial constitutif de préjudice (CA Rennes, 13/10/2009, n°08/0911 ; Cass. com., 27/05/2008, n°07-14.442 ; CA Rennes, 25/01/2011, n°09/08485), de sorte que la démonstration d’une perte de chiffre d’affaires n’est pas nécessaire (CA Montpellier, 10/03/2015, n°13/06718 ; CA Toulouse, 18/05/2011, n°10/00043).
En matière de parasitisme et de concurrence déloyale par violation de la loi ou d’une réglementation, la Cour de cassation a également consacré la possibilité d’évaluer le préjudice en tenant compte de l'avantage que l'auteur de la pratique déloyale a tiré de l'acte illicite en fonction « des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes ». La Haute Cour approuve donc l'arrêt d'appel, ayant pris en compte, au titre du préjudice réparable, les économies résultant de la diminution de la masse salariale dont ont profité le concurrent déloyal. (Pièce n°13 :Cass. com., 12 févr. 2020, n° 17-31.614 : JurisData n° 2020-001762).
Dans un arrêt rendu en 2010, la Cour de cassation a pris en considération les bénéfices perçus par l'auteur du comportement déloyal en relevant : « le comportement de la société Delticom [ayant] fait perdre à la société Pneus Online Suisse une chance de conquérir une part plus importante du marché de la vente de pneus en ligne, la cour d'appel a souverainement apprécié le montant de ce préjudice » (Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-16.752 : JurisData n° 2010-001523).
Pour apprécier les gains manqués, les juges du fond ont tenu compte du dommage causé « sur les relations d'affaires dont la victime de la concurrence déloyale aurait pu bénéficier en l'absence de ceux-ci » – le mode de calcul des dommages et intérêts consistant alors à prendre pour référence le chiffre d'affaires réalisé respectivement par la victime et par l'auteur de procédés déloyaux (Rép. com. Dalloz, V° Concurrence déloyale, n° 255, par Y. Picod, Y. Auguet, et N. Dorandeau).
Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont aussi admis qu'il était loisible aux juges du fond « de s'inspirer pour évaluer le préjudice résultant d'actes déloyaux » des règles en matière d'évaluation du préjudice de contrefaçon (Cass. com., 18 oct. 2017, n° 15-29.094 : Contrats, conc. consom. ; Comm. com. électr. 2018, comm. 9, note Ch. Caron).
Outre, l’indemnisation résultant du préjudice commercial, la jurisprudence indemnise la victime d’actes de parasitisme de l’atteinte à l’image subie (CA Paris, 25 fév. 2000, n° 1998/05459 ; CA Angers, 17 mars 2009, n° 08/00238 ; Trib. Com. 22 mai 2012, n° 2012002287 ; CA Paris, 26 fév. 2014, n° 10/18941)
Selon la doctrine usuelle en matière de détermination du préjudice, la recherche doit être faite selon les deux branches de préjudice : les pertes subies (damnum emergens) et le gain manqué (lucrum cessans).
La Cour d’appel de Paris dans ses fiches pratiques relatives à l’indemnisation des préjudices résultant d’actes de concurrence déloyale, dresse une typologique des préjudices dont la réparation peut être sollicitée pami lesquels :
Pour le gain manqué (Lucrum cessans) et perte de chance :
• Détournement de clientèle ;
• Baisse ou absence de hausse d’activité : baisse des ventes, baisse des commandes ou lettres d’annulation ;
• Baisse ou absence de hausse du chiffre d’affaires, perte de marge sur couts variables ;
• Frein au développement par impossibilité d’accès au crédit ou crédit limité ;
• Évolution du compte d’exploitation, du compte client sur plusieurs années, avant et après les actes de concurrence déloyale ;
• Non-accès ou limitation de l’accès à des marchés (études de marchés) ;
• Perte de la marge commerciale :
• Perte de part de marché ou éviction totale du marché, perte de contrats : comparaison du chiffre d’affaires avant et après les actes déloyaux ;
• Perte des bénéfices afférents à un contrat du fait de sa rupture injustifiée ou de la perte de chance de le conclure ;
• Perte de commissions dues à l’utilisation d’un fichier client ;
• Perte de chance liée aux développements futurs.
Pour les pertes subies (Damnum Emergens)
• Perte d’un actif corporel ou incorporel affectant la substance du patrimoine du demandeur, dépréciation d’un élément incorporel attractif de la clientèle, dépréciation d’un signe par :
- Atteinte à l’image de marque du fait de la vulgarisation du produit,
- Avilissement de la marque,
- Atteinte à la réputation commerciale (publicité dénigrante, acte de dénigrement (divulgation à la clientèle d’une société d’une action en contrefaçon à son encontre n’ayant pas donné lieu à une décision de justice - Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17- 18.350 et Cass. 1re civ., 12 déc. 2018, n°17-31.758), perte d’image) ;
- Surcoûts encourus ou dépenses engagées pour corriger les effets néfastes des faits dommageables ;
- Perte de valeur de l’entreprise victime (en cas de préjudice distinct pour l’actionnaire) ou en cas d’incidence sur le recours à des levées de fonds (perte de chance).
Pour les pertes subies au titre de la désorganisation durable de l’entreprise
• Coûts d’embauche du nouveau personnel pour compenser les effets d’une politique de débauchage menée à son détriment et coûts de formation de ce nouveau personnel ;
• Divulgation de savoir-faire ;
• Appropriation d’un fichier de clientèle : reprise des mêmes arguments sur le gain manqué à raison de la captation des clients du demandeur.
Ainsi, ces différents critères, doctrinaux ou prétoriens, servent de lignes directrices pour la détermination du préjudice dont la réparation pourra être sollicitée par la victime des agissements déloyaux.
Guillaume Gouachon
Avocat Associé
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