samedi 21 décembre 2024
Ce contrat a été modifié en 2005 pour devenir un contrat de location « évolutif » par l'acceptation d'une offre dite « option d'échange technologique » (ou encore « TRO », acronyme de « Technology Refresh Option »), qui se composait notamment d’une annexe TRO définissant les conditions particulières de location et chiffrant les différentes variables, outre un contrat de gestion du TRO par équipement.
Le contrat ainsi modifié prévoyait que la mise en œuvre de l'option d'échange technologique emportait le réengagement du locataire pour une durée irrévocable de 42 mois pour tous les matériels, sans par conséquent de distinction de leur état d'obsolescence.
Cet ensemble de contrats a été renouvelé le 1er février 2007 et les parties se sont alors engagées, aux termes de l'annexe TRO en vigueur, pour une durée de location d'une durée de 42 mois. Cette annexe TRO a été remplacée par huit annexes TRO successives, à chaque modification du parc d'équipements informatiques, dont la dernière est datée du 1er août 2013 et prévoit une nouvelle durée de 42 mois expirant le 31 janvier 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2013, le loueur a signifié au locataire la résiliation de l'option d'échange en cours sur le fondement de risques avérés que le locataire ne puisse faire face à ses engagements financiers. Cette résiliation a eu pour effet de mettre fin à l'exercice de l'option d'échange prévue au contrat tandis que l'annexe TRO continuait à se poursuivre jusqu'à son terme au 31 janvier 2017.
Le loueur ayant refusé la proposition du locataire de négocier la rupture anticipée de l'ensemble contractuel, celui-ci l'a assignée d'abord le 19 novembre 2014 devant le tribunal de commerce de Nanterre, avant de l'assigner le 28 juin 2016 devant le tribunal de commerce de Paris, juridiction compétente en application de l'article L. 442-62 du code de commerce, pour demander :
- que soit prononcée la nullité de l'annexe TRO du 1er août 2013 pour cause de perpétuité et d'illégalité de la fixation du prix des loyers,
- que soit constatée l'illicéité de certaines clauses des conditions TRO du 1er février 2007 ou des conditions générales de location du 1er janvier 2004 et qu'elles soient réputées non écrites sur le fondement de l'article L. 442-6 I2 , 1° et 2° du code de commerce
- que le loueur soit condamné à lui restituer le montant des loyers indûment perçus à compter du 1er août 2013 et à lui payer la somme de 400.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de son obligation de conseil.
La décision de la Cour d’appel de Paris commentée ici intervient sur renvoi après cassation, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 11 mai 2022 (numéro 19-22.015), cassé et annulé l'arrêt du 24 mai 2019 en ce que celui-ci disait que l'annexe TRO du 1er août 2013 n'était pas entachée d'un vice de perpétuité, et en ce qu’il a rejeté les demandes du locataire fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° et 2°et L. 442-6, III, du code de commerce. La Haute juridiction a retenu en effet :
« Vu l'article 1709 du code civil :
Il résulte de ce texte que le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.
[…]
En se déterminant ainsi, sans rechercher si, s'agissant d'un contrat évolutif de location de matériels informatiques, dont chaque modification relative aux matériels loués avait pour effet de reconduire la durée du contrat pour une période de 42 mois, l'impossibilité de faire usage des options d'échange pendant la totalité de cette même durée, prévue par l'article 5 de l'annexe TRO du 1er août 2013, ou bien pendant la durée de préavis de 9 mois prévue par l'article 10.1 b) des conditions TRO du 1er février 2007, n'était pas de nature à priver [le locataire] de la possibilité d'adapter son matériel aux besoins de son exploitation et donc d'une caractéristique substantielle du contrat, sauf à accepter la reconduction systématique du contrat, la soumettant ainsi à une obligation infinie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »
Dans arrêt du 10 novembre 2023, la Cour d’appel de renvoi retient :
- sur la nullité pour vice de perpétuité : la dénonciation du contrat pour la durée de 42 mois avait pour effet pour le locataire de renoncer à la caractéristique substantielle de l'adaptation de ses équipements à ses besoins, de sorte que pour en conserver le bénéfice, elle était contrainte de repousser perpétuellement son engagement par la reconduction du contrat ; il convient par conséquent, de prononcer en application de l'article 1709 précité, la nullité de l'annexe TRO du 1er août 2013.
- sur la nullité des clauses contractuelles tirée de leur déséquilibre significatif : la cause illicite des clauses litigieuses (i.e. la relation contractuelle indéfinie) crée, per se, un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 I. 2° du code de commerce précité. S’agissant du second critère d’application de l'article L. 442-6 I. 2° du code de commerce (ancien), la soumission ou tentative de soumission, la Cour retient de manière très laconique – cela est regrettable – qu’elle est constituée par la notification de la résiliation du contrat effectuée par le loueur.
Depuis l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (entrée en vigueur le 1er octobre 2016), le principe de prohibition est codifié à l’article 1210 du Code civil, lequel dispose : « Les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »
Perpétuité d’un contrat évolutif de location d'équipement informatique
Est entachée du vice de perpétuité et crée un déséquilibre significatif entre les parties la clause d’un contrat de location qui prévoit une option d’échange technologique dont la mise en œuvre emporte réengagement du locataire pour une durée irrévocable de 42 mois pour tous les matériels.
Une société de distribution de bois et de matériaux de construction a conclu, le 1er janvier 2004, un contrat de location d'équipements informatiques auprès d’une société spécialisée.Ce contrat a été modifié en 2005 pour devenir un contrat de location « évolutif » par l'acceptation d'une offre dite « option d'échange technologique » (ou encore « TRO », acronyme de « Technology Refresh Option »), qui se composait notamment d’une annexe TRO définissant les conditions particulières de location et chiffrant les différentes variables, outre un contrat de gestion du TRO par équipement.
Le contrat ainsi modifié prévoyait que la mise en œuvre de l'option d'échange technologique emportait le réengagement du locataire pour une durée irrévocable de 42 mois pour tous les matériels, sans par conséquent de distinction de leur état d'obsolescence.
Cet ensemble de contrats a été renouvelé le 1er février 2007 et les parties se sont alors engagées, aux termes de l'annexe TRO en vigueur, pour une durée de location d'une durée de 42 mois. Cette annexe TRO a été remplacée par huit annexes TRO successives, à chaque modification du parc d'équipements informatiques, dont la dernière est datée du 1er août 2013 et prévoit une nouvelle durée de 42 mois expirant le 31 janvier 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2013, le loueur a signifié au locataire la résiliation de l'option d'échange en cours sur le fondement de risques avérés que le locataire ne puisse faire face à ses engagements financiers. Cette résiliation a eu pour effet de mettre fin à l'exercice de l'option d'échange prévue au contrat tandis que l'annexe TRO continuait à se poursuivre jusqu'à son terme au 31 janvier 2017.
Le loueur ayant refusé la proposition du locataire de négocier la rupture anticipée de l'ensemble contractuel, celui-ci l'a assignée d'abord le 19 novembre 2014 devant le tribunal de commerce de Nanterre, avant de l'assigner le 28 juin 2016 devant le tribunal de commerce de Paris, juridiction compétente en application de l'article L. 442-62 du code de commerce, pour demander :
- que soit prononcée la nullité de l'annexe TRO du 1er août 2013 pour cause de perpétuité et d'illégalité de la fixation du prix des loyers,
- que soit constatée l'illicéité de certaines clauses des conditions TRO du 1er février 2007 ou des conditions générales de location du 1er janvier 2004 et qu'elles soient réputées non écrites sur le fondement de l'article L. 442-6 I2 , 1° et 2° du code de commerce
- que le loueur soit condamné à lui restituer le montant des loyers indûment perçus à compter du 1er août 2013 et à lui payer la somme de 400.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de son obligation de conseil.
La décision de la Cour d’appel de Paris commentée ici intervient sur renvoi après cassation, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 11 mai 2022 (numéro 19-22.015), cassé et annulé l'arrêt du 24 mai 2019 en ce que celui-ci disait que l'annexe TRO du 1er août 2013 n'était pas entachée d'un vice de perpétuité, et en ce qu’il a rejeté les demandes du locataire fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° et 2°et L. 442-6, III, du code de commerce. La Haute juridiction a retenu en effet :
« Vu l'article 1709 du code civil :
Il résulte de ce texte que le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.
[…]
En se déterminant ainsi, sans rechercher si, s'agissant d'un contrat évolutif de location de matériels informatiques, dont chaque modification relative aux matériels loués avait pour effet de reconduire la durée du contrat pour une période de 42 mois, l'impossibilité de faire usage des options d'échange pendant la totalité de cette même durée, prévue par l'article 5 de l'annexe TRO du 1er août 2013, ou bien pendant la durée de préavis de 9 mois prévue par l'article 10.1 b) des conditions TRO du 1er février 2007, n'était pas de nature à priver [le locataire] de la possibilité d'adapter son matériel aux besoins de son exploitation et donc d'une caractéristique substantielle du contrat, sauf à accepter la reconduction systématique du contrat, la soumettant ainsi à une obligation infinie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »
Dans arrêt du 10 novembre 2023, la Cour d’appel de renvoi retient :
- sur la nullité pour vice de perpétuité : la dénonciation du contrat pour la durée de 42 mois avait pour effet pour le locataire de renoncer à la caractéristique substantielle de l'adaptation de ses équipements à ses besoins, de sorte que pour en conserver le bénéfice, elle était contrainte de repousser perpétuellement son engagement par la reconduction du contrat ; il convient par conséquent, de prononcer en application de l'article 1709 précité, la nullité de l'annexe TRO du 1er août 2013.
- sur la nullité des clauses contractuelles tirée de leur déséquilibre significatif : la cause illicite des clauses litigieuses (i.e. la relation contractuelle indéfinie) crée, per se, un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 I. 2° du code de commerce précité. S’agissant du second critère d’application de l'article L. 442-6 I. 2° du code de commerce (ancien), la soumission ou tentative de soumission, la Cour retient de manière très laconique – cela est regrettable – qu’elle est constituée par la notification de la résiliation du contrat effectuée par le loueur.
Depuis l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (entrée en vigueur le 1er octobre 2016), le principe de prohibition est codifié à l’article 1210 du Code civil, lequel dispose : « Les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »
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