Le maintien du référencement comme contrepartie de la taxe Lidl
mercredi 29 mai 2024

Le maintien du référencement comme contrepartie de la taxe Lidl

La Cour retient que la réduction imposée avait pour contrepartie le maintien du référencement des produits des fournisseurs. Cette réduction ayant été acceptée dans le cadre des négociations annuelles, elle ne constitue pas un avantage sans contrepartie.  

Dans cette affaire opposant le ministre de l’Économie et des Finances au Groupement d'Achats des Centres Leclerc (GALEC), le Ministre reproche au GALEC la pratique d'une remise additionnelle de 10% imposée aux fournisseurs de produits à marque nationale tels que Heineken, Lactalis, Mars, Unilever, Yoplait, lorsque ces produits étaient également référencés chez le concurrent Lidl ; remise autrement connue sous le nom de « taxe Lidl ». 

 

Le Ministre poursuit la nullité des obligations du GALEC dans les conventions conclues entre 2013 et 2015, la cessation de cette pratique, la restitution des sommes indûment perçues ainsi que sa condamnation à une amende civile. Après avoir été débouté par le tribunal de commerce de Paris, le Ministre interjette appel du jugement.  

 

Suivant la confirmation de la recevabilité de l'action du Ministre au regard des dispositions de l'article L.442-6 du code de commerce, la Cour d’appel de Paris va examiner le bien-fondé de celle-ci, en se basant sur les conventions conclues entre le GALEC et les fournisseurs ainsi que sur les déclarations des parties.  

 

Au cœur des débats figurait la « taxe Lidl » et son caractère licite. En effet, le Ministre soutenait que la réduction de prix infligée par le GALEC à ses fournisseurs correspond à « un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu » au sens de l’article L442-6 I 1° ancien. 

 

La question était donc de savoir si l'obtention par un distributeur d'une remise sans autre contrepartie que le maintien du flux d'affaires avec le fournisseur était licite au regard de l'article L.442-6 I 1° du Code de commerce. 

 

Pour sa part, le GALEC fait remarquer à la Cour que les fournisseurs présentés comme « victimes » sont des entités appartenant à des groupes d'envergure mondiale qui ont effectivement négocié les remises litigieuses et que ces remises relèvent de la libre négociation du prix dans le cadre des conventions annuelles

 

Après avoir contrôlé la contrepartie à la taxe Lidl, la Cour conclut que la remise litigieuse ne constitue pas un avantage sans contrepartie au sens de l'article L.442-6 I 1°. 

 

Cette décision appelle trois commentaires. 

 

Tout d’abord s’agissant du contrôle opéré : on note que la Cour vise l’arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 20231 selon lequel l'article L.442-6 I 1° du code de commerce s'applique à tout avantage, y compris les réductions de prix, et procède au contrôle de l’avantage et de sa contrepartie

 

Dans le cadre de ce contrôle,  

  • la Cour retient que la remise litigieuse était prévue au titre des conditions de l’opération de vente et ne visait pas à rémunérer un service commercial de sorte que la remise fait partie intégrante de la négociation commerciale liée aux conditions de vente ;
  • la Cour constate que la contrepartie attendue par les fournisseurs était le maintien du flux d'affaires et la sécurisation de leur commercialisation dans un contexte de tension concurrentielle entre E. Leclerc et Lidl ;
  • Enfin, la Cour relève l’absence de preuve du caractère manifestement disproportionné de la remise au regard des gains escomptés par les fournisseurs du référencement de leur gamme de produits dans les magasins de l'enseigne Leclerc. 

 

Elle en conclut que la remise litigieuse ne constitue pas un avantage sans contrepartie au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° du code de commerce. 

 

Ensuite, on note que la contrepartie retenue, à savoir le référencement des fournisseurs, est subjective. Cette décision ne clarifie pas la notion de « contrepartie ». Cette décision ne permet pas de dégager de critère précis pour déterminer si une contrepartie est licite ou non. 

 

Enfin, on retiendra que cette décision traduit la volonté de la Cour de redonner aux parties une liberté dans la négociation commerciale, et en retenant une interprétation extensive de la notion de contrepartie, assoupli l’impact de son contrôle.   

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