Information des consommateurs et dénigrement
Dans quelle mesure, un distributeur peut-il dénoncer les pratiques tarifaires de son fournisseur auprès des consommateurs sans commettre un dénigrement ?
Le Tribunal de commerce de Paris a rendu en février 2024 une décision aux termes de laquelle il s’est prononcé sur la dénonciation, par un distributeur des pratiques de « réduflation » opérées par son fournisseur.Le fournisseur reprochait à son distributeur de mener une campagne de communication dénigrante et déloyale à son égard et à l’égard de ses produits aux fins d’attirer l’attention des consommateurs vers ses produits de marque distributeur.
Aux termes de ce litige, le fournisseur demandait donc en référé d’enjoindre le distributeur de procéder au retrait de toute affichette ou communication de toute nature mentionnant l’augmentation des tarifs des produits de certaines de ses marques et de cesser toute communication en magasin faisant état de leurs négociations commerciales.
Le distributeur quant à lui, répliquait qu’il avait décidé de réagir aux pratiques de « réduflation » consistant à maintenir ou augmenter le prix d’un produit, tout en réduisant sa quantité, et de « reset gencod » consistant à modifier l’European Article Numbering d’un de ses produits phare grâce à un changement de litrage ou de grammage pour tenter de justifier l’augmentation du prix.
Selon le distributeur, rien sur les affichettes ne faisait allusion à l’un de ses produits de marque distributeur.
Le Tribunal rappelle que le dénigrement se caractérise par le fait de jeter le discrédit sur des produits ou services d’une entreprise concurrente. Celui qui s’en prévaut est tenu de démontrer l’existence d’une appréciation péjorative excessive des produits et services d’une entreprise, donnant une image particulièrement dévalorisée de ces derniers.
Or, en l’espèce, le Tribunal retient qu’il est reproché au distributeur d’avoir décidé d’alerter ses clients en les informant du fait que certaines références ne seraient plus disponibles en rayon du fait de la hausse de prix injustifiée, et que les nouveaux formats de quantité réduite d’autres produits avaient subi une augmentation de prix totalement injustifiée.
Le Tribunal rappelle encore que le dénigrement ne saurait être caractérisé lorsque l’information délivrée se rapporte à un débat d’intérêt général reposant sur une base factuelle, et est exprimée avec mesure.
La juridiction relève ainsi que les critiques du distributeur peuvent paraître sévères, pour autant, elle considère que le libellé des affichettes litigieuses n’est pas outrancier, repose sur une base factuelle suffisante et s’inscrit dans un débat d’intérêt général sur les pratiques de certains industriels. Le Tribunal écarte donc l’existence d’un trouble manifestement illicite.
Le fournisseur reproche encore au distributeur d’être à l’origine d’une pratique déloyale et trompeuse par la confusion qu’il entretiendrait sur la nature de la hausse des prix pratiqués et des produits comparés.
Là encore, le Tribunal rejette les prétentions du fournisseur. Il indique en effet que ce dernier ne conteste pas sérieusement et avec l’évidence requise avoir augmenté ses tarifs et réduit la quantité de certains de ses produits dans les proportions indiquées dans les faits.
Le Tribunal relève également que qu’il ne peut y avoir confusion s’agissant de l’augmentation de tarifs appliqués sur des produits dont le contenu est strictement identique, seule la contenance ayant été réduite.
Ainsi, le caractère déloyal et trompeur des informations diffusées par le distributeur n’étant pas démontré, le Tribunal ne retient pas l’existence d’un trouble manifestement illicite.
L’ensemble des demandes du fournisseur est donc rejeté.
La décision commentée permet de dessiner les contours des pratiques acceptables en matière d’information des consommateurs. Une information se rapportant à un débat d’intérêt général, reposant sur une base factuelle suffisante, même sévère ou humoristique à l’égard de l’entité visée est donc admise. Le Tribunal semble, en effet, considérer que la délivrance de telles informations peut être fondée sur le droit légitime d’informer les consommateurs.
TC Paris 8 février 2024, n°2024004179
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