Décliner un concept n’est pas parasiter
Les idées étant de libre parcours, le fait de reprendre le concept d’un concurrent en le déclinant ne constitue pas un acte de parasitisme.
Une personne a créé des dessins stylisés, apposés sur des bouteilles de vin, identifiant des plats par référence aux vins auxquels ils sont associés et a déposé les marques « poulet chicken pollo », « poisson fish pesce », « agneau lamb agnello », « canard duck pato », spaghetti pasta tortellini » et « bœuf beef ternera », composées de ces dessins .
Par la suite, il a concédé une licence d’exploitation exclusive sur ces dessins et marques à une société qui a exploité ces dessins sur des bouteilles de sa gamme dénommée « boire et manger ».
A la suite de la cessation d’activité de la société de l’auteur des dessins, la société licenciée a cessé de régler ses redevances puis commercialisé des bouteilles de vin comportant des dessins associant des plats et vins.
L’auteur des dessins l’a donc assigné en contrefaçon de droits d’auteur et de marques ainsi qu’en parasitisme.
La Cour d’appel ayant condamné la société licenciée pour contrefaçon de marques et parasitisme, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.
Sur le parasitisme, la société licenciée reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré qu’elle avait, en étendant ce concept, cherché à profiter sans bourse délier du succès économique de l’auteur, après avoir relevé :
- qu’elle avait poursuivi le concept créé par l’auteur avec les dessins d’autres produits, en déclinant certains d’entre eux par l’adjonction du terme « Big » et déposé une marque semi-figurative « dinde turkey pavo » dans le style propre à l’auteur correspondant à la déclinaison trilingue mise en place par ce dernier ;
- qu’elle s’était appropriée une façon innovante de représenter sur une bouteille de vin un dessin décoratif suggérant de façon ludique l’association d’une boisson à un plat.
La Cour de cassation casse l’arrêt aux motifs que « les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme ».
La Cour de cassation considère ainsi que décliner le concept d’un concurrent n’est pas le copier.
La justification donnée par la Cour de cassation est que « les idées sont de libre parcours ».
La Cour de cassation a basé sa décision sur l’adage qui est normalement appliqué en droit de la propriété intellectuelle pour indiquer que seules les créations sont protégeables par le droit d’auteur et pas les idées ou concepts.
La jurisprudence considère en effet de manière constante que « la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés ».
Cette position est critiquable dans la mesure où elle ne prend pas en compte le fait qu’une idée commerciale a une valeur économique. Le parasitaire en déclinant les idées d’un concurrent, a cherché à profiter des fruits du travail intellectuel de l’auteur et a profité d’un avantage concurrentiel, ce qui aurait pu être appréhendé sous l’angle du parasitisme.
Toutefois, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel en ce qu’elle a considéré qu’il y avait contrefaçon de marques, celle-ci ayant déduit que les habillages étaient de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du public entre les signes en présence après avoir relevé que :
- visuellement : en dépit de la différence dans la présentation des éléments figuratifs et de détails sur la représentation des animaux et de l’ajout d’un macaron « boire et manger », il résultait de la présentation enfantine des dessins, une impression de grande similitude, confortée par la reproduction, en dessous des dessins, de la même manière, sur une ligne en lettres capitales d’imprimerie, des trois éléments verbaux désignant les animaux ou aliments représentés ;
- phonétiquement : malgré l’ajout du macaron ou la modification de certains éléments verbaux, une prononciation scandée de trois appellations aux sonorités différentes, avec reprise de termes connus, demeurait prépondérante ;
- intellectuellement : les illustrations renvoient au même concept de présentation ludique de dessins représentant les animaux ou aliments dénommés dans trois langues pour présenter des produits similaires à ceux désignés par les marques.
La Cour considère donc que la Cour d’appel a procédé à la comparaison de l’impression d’ensemble produite par chacune des marques invoquées et chacun des signes incriminés.
Enfin, l’arrêt est confirmé sur le rejet des demandes de l’auteur au titre de la contrefaçon de droits d’auteur aux motifs que celui qui agit en contrefaçon d’une œuvre doit identifier ce qui caractérise l’originalité et que l’auteur n’a identifié aucune combinaison d’éléments caractéristiques.
Cass. civ 1. 22 juin 2017, n° 14.20.310, FS-P+B
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